Je suis très heureux et honoré de tenir ce rôle aujourd’hui, Marc Claramunt vous salue évidemment et s’associe à ce moment, depuis Barcelone et la biennale du paysage où il se trouve. Jean Marie Castelain m’a demandé de participer aux jurys de diplôme de l’INSA, qui ont eu lieu le 20 septembre dernier pour les départements Génie des Systèmes Industriels, Maîtrise des Risques Industriels, Sécurité et Technologies Informatiques. Et ce matin même pour les départements Energie Risques Environnement et Ecole de la Nature et du Paysage.
En prolongement de ces jurys il me revient de vous dire quelques mots : drôle de retour d’histoire d’abord, ce face à face, où l’ingénieur INSA que je suis, ravi de venir enseigner à Blois il y a 18 ans, n’imaginait pas qu’il enseignerait à des futurs ingénieurs…INSA. Jusqu’à leur remettre leurs diplômes aujourd’hui. Et cela tombe très bien puisque vous êtes la première promotion dont j’ai partagé le chemin trois années durant. :
– En 2013 – 2014 vous êtes en 3e année, l’école est encore l’ENSNP et nous travaillons sur Mantes, où les travaux ont d’ailleurs été réalisés depuis. Vos grands sujets de l’année sont l’extension de bourg de St Claude de Diray et des petites vallées à Angoulême, avec Jacqueline Osty et Dominique Caire
– 2014 – 2015, l’école intègre l’INSA, avec quelques remous et vous apprenez, d’ailleurs un peu moins que je ne l’aurais souhaité, un peu d’hydromorphologie fluviale. Et avec Bertrand Folléa et Catherine Farelle vous travaillez en deux groupes, sur la vallée du Loir et sur le Cosson à Chambord. Cosson qui, en mai et juin dernier, a eu le bon goût de se rappeler à votre bon souvenir
– 2015 – 2016 ce sont vos travaux de fin d’étude aboutissant à ce diplôme d’ingénieur, pour toutes, et tous.
Mais ce sont bien sûr 5 années que couronne ce diplôme, il faut donc y ajouter
– 2012-2013, je remonte le temps, souvenez vous de l’archéovillage et de Yèvres, avec Dominique Caire déjà et Michel Boulcourt
– Et 2011-2012, où Claire Dauviau et Jean Grelier vous accompagnaient pour différents exercices
J’ai cité là vos professeurs d’atelier mais bien sûr ce diplôme repose sur 3 piliers complémentaires : des interventions des enseignants chercheurs, et sans recherche pas d’avenir ; les interventions des paysagistes que j’ai cités, en atelier ; et enfin celles de praticiens d’autres disciplines. Au cours de ces années, vous me l’avez dit parfois, vous étiez fier je crois, de l’ambiance de travail de votre promotion, d’une cohérence de groupe qui se manifestait et se cristallisait dans l’enceinte de l’école quelques soient les amitiés en dehors.
Ingénieur vous êtes donc. J’ai déjà remonté le temps tout à l’heure, c’est important pour sentir et valoriser au mieux cet héritage ; par delà la transition vers le diplôme d’état. Donc je m’autorise aussi un clin d’œil à l’audace un peu folle de Chilpéric de Boiscuillé qui a su amener jusqu’au cœur de la CTI un changement de regard sur ce qu’est l’ingénierie et sur ce que vous paysagistes pouvez lui apporter. Ingénieurs légitimés par un socle de connaissances fort, et légitimant une ingénierie renouvelée, apte à convoquer beaucoup plus l’imaginaire et le regard sensible face à la complexité, apte à pratiquer très concrètement l’interdisciplinarité quand tant d’autres en parlent sans oser ou savoir la mettre en œuvre.
A l’invitation judicieuse de Marc je cite ici Pascale Hannetel et ce qu’elle disait en juin lors du jury d’excellence :
Ce jury d’excellence tient à souligner la qualité des projets présentés.
La richesse, l’inventivité des concepts et la qualité des rendus, des modes de recherche et de représentation ont été très appréciées.
Le jury note que ces différents travaux partagent :
– un acuité et un véritable appétit pour la connaissance
– une grande attention aux sites
– une démarche novatrice et exploratoire.
Ils témoignent de la capacité des paysagistes à se saisir des problématiques techniques patrimoniales, urbaines, agricoles mais aussi de celles de la gestion des risques et de la prospective de transformation des paysages pour faire projet de territoire.
Ces démarches de projet sont aussi l’occasion de redécouvrir ces paysages et appelle à une mobilisation en réseau des acteurs locaux.
Continuez à savoir traverser toutes les échelles avec maîtrise, à être inventifs et de rigoureux à la fois, du concept, à la stratégie et à la forme, sachez être parfois prospectifs voire militants.
Alors puisque le changement de diplôme s’inscrit dans la durée, la prochaine promotion sera ingénieure elle aussi, œuvrons pour que cet héritage ENSNP fructifie au mieux avec la patte INSA telle que je l’ai connue, où déjà il y a 30 ans à Lyon naissaient les sections sport et musique étude, puis arts plastiques, théâtre, danse étude, avec une place importante dévolue aux humanités.
Maintenant il vous reste à vous emparer des sujets, à savoir faire évoluer la place et le rôle des paysagistes. Les grandes conceptions d’espaces publics, les grands concours existent toujours mais nombre d’agences souffrent et vos compétences méritent aussi de se déployer ailleurs, sur des sujets de développement local, de stratégies de territoire, à l’image d’un grand nombre de vos travaux de fins d’étude.
Exemple : on n’étalera plus la ville comme avant, elle se renouvellera avec des besoins de couture fine, d’acupuncture, de temps, de ruse, d’interventions frugales et néanmoins pertinentes, donc de méthode. La campagne et l’agriculture changent, avec elles les paysages ; vous serez attendus aussi sur le littoral, pour un regard prospectif et des propositions transversales.
Je termine. Vous m’avez vous aussi beaucoup appris, et je ne suis sans doute pas le seul : vous, vos prédécesseurs. Par exemple à écrire un peu moins, dessiner un peu plus. A comprendre à quel point le calque et le crayon sont des outils fondamentaux de la création collective, que ce soit dans des pratiques professionnelles ou d’élu local. Marc que j’ai eu hier vous convie aux prochaines portes ouvertes, venez nous dire où vous en êtes, croiser d’autres diplômés, d’ici là bon vent.
Bruno Ricard