Etudiante : Julie-Amadéa Pluriel
Directrice de mémoire : Claire Dauviau
Les ruines de la montagne de Crussol.

Depuis Valence, on voit déjà ce promontoire rocheux et les ruines qui le coiffent. Attirés, on traverse le Rhône, et le regard est happé par la forme massive qui s'élève dans la vallée, qu'ici on nomme « la montagne de Crussol ».
Nous sommes donc, comme le Rhône a été franchi, en Ardèche, faisant face au côté le plus abrupt du massif calcaire. Pour y monter, la route le contourne, et révèle subitement les restes d'un village au pied du château, qui forme un étonnant dédale de murs sans toits, encerclé de l'enceinte qui les protégeait. Tout autour, chênaies blanches et vertes se succèdent, s'ouvrant ça et là en clairières. L'endroit est connu pour la quarantaine de variétés d'orchidées qu'on y trouve, qui fait l'objet d'un classement Natura 2000.
Depuis la commune de Saint-Péray, l'ascension vers ce lieu qui pourtant attire 80000 visiteurs par an se fait par une route très étroite, sinueuse et escarpée, où ni les voitures ne se croisent, ni les bus ne parviennent à monter.
L'avenir de ce site est-il de s'adapter à la demande touristique croissante, ou bien au contraire d'apprendre à maîtriser cet afflux ?
Libre d'accès et gratuit, il est considéré par ses nombreux usagers locaux comme l'équivalent d'un parc urbain.

Un regroupement intercommunal s'est crée autour de ce lieu : il s'agit de la communauté de communes Rhône-Crussol, fondée dans l'optique de protéger ce patrimoine bâti du XIème siècle, inscrit aux monuments historiques, et lui donnant ainsi un aspect politique non négligeable. Les travaux qui y ont été menés ont été de défricher les ruines, puis de les consolider d'un point de vue sécuritaire. Aujourd'hui, les objectifs sont la reconstruction du bâti dans le but de faire ressortir habitats, chemins et ruelles, la préservation des espaces naturels et la valorisation touristique. C'est dans la lignée de cette aventure que viendra prendre place mon travail, dans l'écriture du devenir de Crussol.

Cet avenir est mis en question sur plusieurs aspects :

Celui de l'accueil du public tout d'abord : comment gérer la forte fréquentation d'un site dangereux par sa proximité au flanc de la falaise provoquant une difficulté d'accès tout en gardant les qualités qui en font son charme ?

D'autre part, la question se pose de la restauration des ruines du château et de son village : vers quels objectifs tendent les travaux de reconstruction ? Comment envisager la sauvegarde de ce patrimoine ? Comment trouver la juste mesure d'une restauration qui ne soit pas littérale, mais plutôt cherchant la finesse d'une poésie suggestive ?

Mais encore, l'aspect de la gestion du site me pose question : si, il y a 25 ans, la prise en main des ruines bâties et du patrimoine naturel s'est faite de façon conjointe, aujourd'hui, la communauté de communes a mis en place deux gestionnaires du site. J'ai rencontré le régisseur de Crussol, qui y travaille depuis les prémices et s'occupe aujourd'hui du patrimoine bâti et de l'accueil du public : un personnage fondateur dans cette histoire. D'autre part, le responsable des espaces naturels, qui gère les espaces classés Natura 2000. Ce dernier occupe une fonction relativement récente qui semble avoir beaucoup de poids dans les décisions actuelles.
Ces deux gestions morcellent l'entité de site en deux visions trop distinctes.
Comment peut-on aujourd'hui chercher à retisser des liens perdus et revenir vers une gestion plus globale du site ?

Enfin, il me semble que la valeur territoriale de Crussol est sous-estimée.
Au cours de l'histoire, la force du site a toujours été celle d'un lieu privilégié, en surplomb sur son territoire. Il a souvent eu la force d'un phare. Sentinelle, fort de défense, poste d'observation, refuge, ermitage, lieu de retraite et même station radio pendant la seconde guerre mondiale, ce lieu depuis lequel on voit 40 communes et 4 départements a par essence une dimension sociale qui semble oubliée aujourd'hui.
Doit-on réaffirmer la posture forte qu'a entretenu Crussol avec son territoire ?
Comment ouvrir le site, au-delà d'une pratique de loisirs et de tourisme, à des usages qui concernent et impliquent davantage le territoire qu'il embrasse ?
Pourrait-on voir en Crussol un haut lieu du partage des connaissances et savoirs faire territoriaux avec les populations concernées ?

Mon rôle de paysagiste se fait ici subtil : sur un lieu déjà bien vivant, animé par une volonté de protection, de reconstruction et d'ouverture au public, il me semble pouvoir apporter une vision autre de l'avenir de ce patrimoine, plus en adéquation avec l'échelle de son réel impact sur le territoire.
J'ai l'intuition que cette cohérence de tous les acteurs et enjeux pourrait se faire en développant un lieu qui rassemble, lieu de culture, lieu de la connaissance...
Sur les pentes de Crussol, tout se prête à l'apprentissage et attire géologues, botaniques, écologues, historiens et géographes.
Un socle rocheux qui fait exception, une flore et une faune remarquables, une histoire millénaire, un paysage immense...