Etudiante : Marie Laurent
Directrice de mémoire : Claire Dauviau
Celles, Salagou (34). Renaissance d'un village devenu fantôme.

Sur l'autoroute, le paysage défile. Le relief commence à s'accidenter. Prochaine sortie : « lac du Salagou », annonce un panneau. A travers un sol rouge rouille baigné de soleil et une maigre végétation d'un vert fort et profond, la route s'enfonce. Le Salagou se révèle dans cet écrin rouge. Il s'étend à perte de vue, lové dans une cuvette ouverte au relief érodé. Plus bas, sur la rive, gît ce qui semble être les restes fragiles d'un village. Envoûtant, triste, ce ne sont que ruines engrillagées, une trentaine de ce qui étaient des maisons mais dont il ne reste que les murs. Au détour d'une rue, une place se révèle : une mairie, une petite église et une place fraichement restaurées. Y aurait-il encore de la vie dans ce village ?

Dès les années 50, un projet de barrage est envisagé sur le ruisseau du Salagou. Afin de réguler les crues de l'Hérault dans lequel il se jette et d'irriguer les futurs vergers par lesquels on voulait remplacer la vigne. Définie à 150m d'altitude le niveau maximal du lac fut finalement fixé à une première étape de 139m... juste au ras du village, le préservant ainsi de l'engloutissement auquel on l'avait préparé. En effet, durant les années 1959 à 1968, l'ensemble des habitants du village de Celles furent expropriés,  arrachés à leur terre. Vidé de ses habitants, le village est pillé. Depuis sa mise en eau au début des années 1970, le niveau du lac n'a pas bougé. Ce n'est que bien plus tard, en 1996, que cette côte fut jugée définitive, sauvant officiellement le village des eaux.

le paysage a ainsi subi une véritable métamorphose. Un réel traumatisme pour les habitants du village attachés à leur terre. D'une paisible vallée vigneronne, Celles se retrouve propulsée à quelques mètres à peine d'un immense lac. Sa logique d'implantation totalement bouleversée et son dynamisme économique simplement effacé.

Grâce à l'effort d'une famille d'irréductibles, Celles garde son statut de commune et retrouve la possession de tout son foncier. Depuis le début des années 1990, des associations s'enchaînent pour se battre pour le village. Ils sauvent Celles d'un grand projet de complexe hôtelier, réhabilitent la mairie et l'église, offre au village une place et organisent de nombreux évènements et festivités tout au long de l'année (comme le « carnaval'eau » durant la saison estivale).

Aujourd'hui, le village met tout en oeuvre pour permette la réinstallation d'une population sur ses terres. Leur rêve est de réinstaller une véritable vie de village générant une activité économique viable. Ils souhaitent «permettre l'implantation d'entreprises spécialisées dans les savoirs et techniques liés à l'environnement» (site internet de la mairie, septembre 2010). Mais la commune ne semble cependant pas avoir de vision spatiale d'ensemble sur l'avenir de son territoire. Car ses limites administratives lui permettent de jouir de la quasi totalité de la rive nord du lac du Salagou, devenu haut lieu du tourisme héraultais dont la particularité géologique abritant une faune et une flore spécifique en fait un lieu très singulier et attractif.

Dans une société où les activités se détachent de plus en plus du territoire et où l'agriculture n'est plus le principal moteur économique, comment vit-on dans ces paysages ruraux ? Quels nouveaux modes de vie peut-on imaginer dans nos villages ?

Ce sont ces réflexions que je me propose de mener à travers le cas typique de Celles qui, grâce (?) à sa malheureuse histoire est restée figée dans le passé et se retrouve propulsée dans un tout nouvel environnement. Comment tirer parti de ce bouleversement radical, lui offrant une situation privilégiée, pour mettre en oeuvre la reconquête et le développement futur du village de Celles ?