Etudiante : Margot Dziukala
Directrice de mémoire : Catherine Farelle
De la Maine à la confluence, comment révéler un paysage symbolique.

Après avoir traversé la ville d'Angers, on remarque de loin cette pointe rocheuse aux couleurs bleutées et rouillées, sur laquelle le Roi René fit édifier un couvent au XVe siècle, et qui marque le début d'un paysage où la Maine retrouve son libre cours. Elle annonce la confluence qui n'est plus qu'à cinq kilomètres au Sud, que l'on rejoint à travers un paysage naturel et pittoresque.
Que l'on décide de parcourir la rive droite le long de l'ancien chemin de halage, un fil boisé qui court le long de la Maine au pied d'un coteau escarpé, ou la rive gauche au milieu des grandes étendues plates des prairies humides, dans notre esprit la ville est déjà loin. On sait que l'on s'approche des paysages ligériens remarquables, toujours baignés d'une lumière étonnante, avec leurs petits villages aux murs clairs et aux toits bleus dominés par la flèche d'un clocher, comme nous le rappelle le vieux bourg de Bouchemaine installé là, au bord de la Maine.
Plus au Sud, une fois le pont suspendu traversé, on parcourt un paysage boisé, recouvert de peupleraies qui ont remplacé les grandes prairies ouvertes d'il y a 50 ans.
à la fin de notre traversée, on arrive à la Coue du pré, ou la Coulée du pré, cette célèbre pointe de terre qui avance et s'enfonce dans l'eau au point de jonction entre la Maine et la Loire.
D'ici, une grande vue se dégage sur le village de la Pointe, et se prolonge en glissant sur l'eau claire de la Loire jusqu'au coteau du Saumurois qui prend une teinte bleutée à l'horizon.
Du rocher de la Baumette à la confluence, le paysage traversé nous surprend par son caractère naturel et préservé.
Mais si l'on décide d'aller au-delà de cette première impression, on remarque que les éléments se sont ajoutés, superposés, intercalés, sans réelle maîtrise au fil du temps.
à Bouchemaine, les lotissements se sont développés de manière frénétique sur les promontoires de la Maine. Ils ont envahi les pentes escarpées du coteau pour profiter d'une vue exceptionnelle sur la rivière. Le quai du centre bourg ressemble à un immense parking, et sur la rive opposée, les peupleraies se sont développées à outrance, renfermant avec elles des points de vue superbes sur la Maine et sur la Loire.

Ce paysage à la valeur symbolique mériterait d'être révélé, et les vues ouvertes et cadrées sur les scènes les plus emblématiques. Sa mise en valeur est nécessaire, et cette intention est déjà portée conjointement par de nombreux acteurs et à différentes échelles du territoire.
Tout d'abord, la communauté d'agglomération d'Angers, qui place la nature - l'eau et le végétal - comme thème central de son projet, souhaite une mise en valeur paysagère, économique, et urbaine du site de la confluence qui est unique en France. Pour elle, ce lieu impose l'excellence, et participe directement à la qualité de vie des angevins. Elle souhaite d'autre part la valorisation de son potentiel touristique, toujours dans le but de promouvoir la nature en tant qu'élément de base économique d'Angers Loire Métropole, notamment en améliorant l'accessibilité et la mise en relation des différents sites naturels et historiques (par la Loire à vélo, des sentiers pédestres, des navettes fluviales), et en développant les possibilités d'hébergement pour les touristes.

Cette volonté est partagée par les communes de ce territoire, qui sont dans l'attente d'un projet qui développerait une logique et une cohérence autour de l'articulation formée par la confluence ; que ce soit le long de la Maine (pour Bouchemaine et Sainte-Gemmes-sur-Loire), ou de la Loire (pour Sainte Gemmes-sur-Loire, Saint-Jean-de-la-Croix et Denée). La commune de Bouchemaine a déjà initié cette démarche le long de ses rives, lors d'une étude pour la création d'une ZPPAUP qui n'a pas abouti, mais qui reste d'actualité, puisque la commune vient d'entreprendre une nouvelle étude qui devrait amener à la création d'un plan guide.
D'autre part, à l'échelle nationale, la confluence est un site reconnu puisque une partie a été classée en 2010 « pour son intérêt paysager, historique et pittoresque remarquable ». La DREAL et le STAP, qui sont en charge de son suivi et de sa gestion, manifestent la volonté d'améliorer la qualité de ses paysages, afin qu'ils ne soient pas figés en l'état avec les « erreurs» du passé, et afin de répondre aux nouveaux usages qui résultent de sa renommée grandissante.
à l'échelle internationale, la valeur écologique de ce territoire l'a amené à figurer en zone Natura 2000. Les prairies humides de la baumette font partie de l'ensemble des Basses Vallées Angevine de part et d'autre de la ville d'Angers. Elles forment de véritables réserves de biodiversité, et ont un rôle déterminant pour la gestion des crues, sachant qu'une grande partie du territoire de la confluence est inondable, et inscrit en zone d'aléa très fort sur le PPRI.
Ces prairies font aussi partie des zones humides d'importance internationale (suite à la convention de RAMSAR en 1986) et ont fait l'objet d'inventaires naturels : ZICO, ZNIEFF de type I et II.
De plus, la confluence est aussi inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis l'an 2000, au titre du « paysage culturel vivant» pour sa « valeur universelle exceptionnelle ».
Cette dernière inscription a donné lieu à la création de la Mission Val de Loire en 2002, par les Conseils Régionaux du Centre et des Pays de la Loire, pour préserver, valoriser, et animer le site inscrit (de Sully-sur-Loire à Chalonne-sur-Loire).
L'Etat participe aussi directement à ces actions dans le cadre du Plan Loire Grandeur Nature, un plan d'aménagement global qui promeut notamment une mise en valeur du patrimoine naturel, culturel, touristique et paysager. Au sein de ce plan, le GIP Loire-Estuaire a pour mission de s'occuper de la partie aval de la Loire, de la Maine à l'estuaire.
L'association du CORELA (Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents), à l'initiative du Conseil Régional des Pays de la Loire, contribue aussi à ces actions qui visent à préserver et valoriser le patrimoine ligérien de Montsoreau à l'Estuaire.
Ces dispositions témoignent d'une volonté politique commune de préservation et de mise en valeur de ces paysages exceptionnels. Pour la soutenir, il faudrait donner une cohérence à ce territoire structuré par l'eau, en tension entre construit et naturel, et c'est ce qui permettra de révéler au plus haut sa beauté et son intégrité.
L'objectif de ce projet sera donc de contribuer à la qualité des paysages de ce site emblématique, tout en accompagnant les acteurs qui le font vivre. En effet, ce paysage est habité, porteur d'enjeux paysagers, urbains, agricoles, économiques, culturels, il ne faudrait pas le voir se muséifier, mais le faire évoluer de façon intelligente en même temps que les besoins de la société qui le pratique localement.