Etudiante : Joséphine Pinatel
Directrice de mémoire : Anne-Sophie Verriest-Fenneteaux
Les paysages oubliés de l’étang de Bolmon ou la rencontre entre le marais, l’aéroport et la décharge de la ville de Marignane.

Au dessus de l’étang de Berre, les avions qui s’envolent partent en direction des mêmes pays que les oiseaux migrateurs en transit dans les marais de Marignane. 
Depuis le ciel, on voit au sud la mer méditerranée cernée par la chaîne de l’Estaque, derrière laquelle s’étale l’étang de Berre. La piste de l’aéroport de Marignane se tend sur les eaux où souffle le mistral. Ce vent venu du nord-ouest a progressivement formé le cordon du Jaï, isolant l’étang de Bolmon du sel de la mer. D’ici, on perçoit bien que la petite « médina » de Marignane s’est, à l’origine, installée loin des eaux saumâtres pour laisser sa place à la nature étrange du marais. Des cabanes de pêcheurs se sont installées au bord de l’étang, à l’estuaire de la Cadière, la rivière qui réalimente celui-ci en eau douce. Aujourd’hui la ville de Marignane persiste à nier l’étang et s’avance à grand coup de remblais sur les eaux, comme le dessine la presqu’île formée par la décharge de matériaux inertes.

Dans ce paysage plat et venteux bordé par le massif de la Nerthe, l’étang reste, malgré la très forte pression anthropique, d’une grande richesse écologique où se mêlent dunes, roselières, pinèdes et embouchure de rivière. Le mélange d’eaux douces et d’eaux salées accueille une multitude d’espèces de poissons des deux milieux et nourrit de nombreux oiseaux ; une grande partie des rives a été acquise par le Conservatoire du Littoral pour protéger ce biotope. 

C’est un site étonnant, malgré sa forte dégradation : la nature sauvage est au pied des raffineries. Les volumes massifs des aérogares et la rectitude des pistes côtoient l’aspect fragile, toujours mouvant, du milieu naturel. Les oiseaux migrateurs sont au ras des pistes d’où s’envolent les avions en partance vers les pays de migrations. 

Cette petite ville doit une part importante de son développement à la présence de l’aéroport international de Marseille Provence. Le développement de la ville se fait surtout vers le Sud, où de grandes zones commerciales et industrielles s’étalent, sans aucun complexe, au-delà du canal du Rove. Alors que de ce côté-ci les limites communales sont atteintes, on trouve au Nord le lieu de rencontre entre l’étang, la ville et l’aéroport qui laisse place à un grand vide, où se positionne la décharge. 

Dans ce grand espace presque vide qui s’étend au nord de la commune, on voit surgir les immenses hangars à dirigeables de l’explorateur Jean-Louis Etienne. A proximité de l’aéroport, on trouve quelques terres agricoles céréalières. On y trouve également une décharge qui avance lentement son tablier sur les eaux de l’étang et grimpe peu à peu pour fabriquer une petite colline artificielle. Derrière la décharge, un terrain marécageux fait l’articulation entre le lido du Jaï et l’aéroport.
Il y a aussi une petite route qui mène au Jaï depuis Marignane. Le Jaï est un cordon sableux qui sépare l’étang de Berre (la «petite mer») de l’étang de Bolmon. Cette frontière naturelle préserve le caractère peu salé de l’étang de Bolmon, tout en constituant un rempart contre les courants forts de l’étang de Berre. Ce cordon à cheval sur les communes de Chateauneuf-les-Martigues et Marignane est urbanisé de moitié, sur chacune de ses extrémités. Cet endroit est très prisé pour la pratique de la planche à voile et du kitesurf, parce que l’on y prend le mistral de plein fouet. à l’autre extrémité de cette route, on s’enfonce dans un imbroglio de baraques et d’immeubles sur les bords de la petite ville, qui paraît presque entièrement conçue au hasard. 

L’équilibre écologique de la lagune est mis en danger par une urbanisation irraisonnée. La décharge est l’illustration de la dynamique de développement de la ville sur l’étang, avançant à petit pas en recouvrant les eaux. La dynamique de remblais, de l’avancée de la décharge sur les eaux parce que la ville ne sait que faire de ses déchets illustre bien qu’elle ne sait pas non plus comment se développer sur l’étang.

Comprendre cette dynamique permettrait de retourner la ville sur l’étang de Bolmon, afin qu’ils puissent trouver ensemble un terrain d’entente. Il s’agirait de repenser et de raisonner le modèle développement de Marignane sur la lagune. L’enjeu est de lier les usages (loisir : pêche, promenade, sport d’eau, rencontre, et habitat)  avec une préservation du milieu. 
Cela pourrait être l’occasion de penser au réemploi des déchets par la ville et ici, la proximité de l’aéroport et de l’étang, permettrait de créer un espace à la rencontre de ces lieux, poétiquement singuliers. 

Cela permettrait par ailleurs de valoriser cette porte d’entrée Magistrale dans le sud de la France, en déshérence totale. Les abords des aéroports sont généralement désertés (tout comme le sont ceux des voies ferrées, des autoroutes, etc...). C’est le lot des voies rapides, qui créent de fait une rupture dans le paysage local préférant relier des contrées éloignées. Il s’agirait de mettre en valeur l’aéroport et de dévoiler ses activités (si possible) qui font désormais parti de nos paysages modernes.