Etudiante : Anaïs Bernard
Directrice de mémoire : Jacqueline Osty
Reconversion des anciens abattoirs de Casablanca en fabrique culturelle.

C'est au détour de certaines pérégrinations que l'on peut avoir le plaisir de faire des découvertes imprévisibles, saisissantes et surprenantes.

La ville de Casablanca est le théâtre d'une mise en scène urbaine très complexe et difficile à appréhender lorsque l'on vient de l'extérieur, mais elle n'en reste pas moins très attirante et exceptionnelle. La première moitié du XXème siècle marque les débuts d'une évolution inattendue et surprenante de la ville. C'est pendant le protectorat français (1912-1956), qu'elle connut un bouleversement radical, tant dans sa composition spatiale que dans son épaisseur sociale. Le Maréchal Lyautey, résident général à cette époque avait de très grands projets pour le développement de la ville. De grands urbanistes tels que Henri Prost et Michel écochard et des architectes de renom tels que Auguste Perret et Georges Candilis ont participé à l'essor de cette ville, qui est vite devenue un lieu de modernité, d'inventions et d'expérimentations où le pluralisme culturel a toujours été très présent. De nos jours, elle représente le poumon économique et la façade moderne du pays.

C'est dans ce contexte que les anciens abattoirs de Casablanca ont été construits en 1922 par un architecte français, Georges-Ernest Desmaret. La localisation de cette infrastructure se trouvait alors en périphérie de la ville, loin de toutes habitations et milieux publics. Mais le développement fulgurant de Casablanca ne s'en est pas tenu à ces limites et s'est étendu bien au-delà. C'est ainsi que le site des anciens abattoirs occupe aujourd'hui une place privilégiée dans la ville. Il se situe désormais dans le quartier populaire de Hai Mohamedi, à proximité de la gare centrale, du port et finalement, relativement proche du centre-ville. De plus, il sera prochainement relié et desservi par le futur tramway.
Le site des anciens abattoirs s'étend sur une surface d'environ 5 hectares composés pour moitié de surface bâtie générant des pleins et des vides avec les espaces extérieurs que je qualifierais d'interstices. Cet ensemble est enclos par un mur restreignant les percées visuelles sur l'extérieur et vis et versa, mais l'espace des toitures laisse quant à lui l'opportunité de voir un tout autre horizon. 
C'est un lieu fantastique et fascinant et qui, à première vue ne reflète pas le lourd sentiment morbide que peut avoir l'unique évocation de son nom « abattoirs ». Les bâtiments sont imposants, de tailles diverses et d'une qualité architecturale indéniable. La teinte ocre jaune qui les recouvre provoque une atmosphère particulière, attrayante et captivante. à l'intérieur, ils laissent place à de grands volumes, mais ici le passé refait surface car rails, crémaillères et autres crochets sont toujours présents.
Après leur abandon quasi total en 2002 (une partie est encore en activité), ce lieu, inscrit au patrimoine de la ville en 2003, a fait l'objet de nombreux débats quant à son devenir. C'est en 2008 que la ville de Casablanca a décidé de mettre en place un programme de reconversion de cet ensemble ayant une orientation culturelle. Suite à cette initiative, une étude de faisabilité  et des ateliers de réflexions ont étés mis en place avec la contribution et la collaboration de la ville d'Amsterdam. Le but de ce projet est avant tout de créer un lieu dédié à l'art et à la culture où les jeunes du quartier, de la ville mais aussi les jeunes talents puissent avoir un lieu d'expression. Pour l'instant et afin de faire connaître cet endroit, de nombreux événements de courtes et moyennes durées ont été mis en place avec notamment les « Transculturelles des abattoirs ». Aujourd'hui, les espaces extérieurs accueillent en partie ces événements, au même titre que les espaces intérieurs, ils sont utilisés pour des concerts, des performances artistiques, des tournages de films, des expositions...

Cette problématique de reconversion fait l'objet de réelles initiatives et semble être un enjeu important du développement culturel actuel de la ville de Casablanca mais également du Maroc. Pour cela des liens sont à tisser, à affirmer avec l'environnement direct du site mais également avec le reste de la ville. Différentes échelles rentrent en jeu dans la valorisation et la reconversion de cet espace. Le site lui même s'étend sur 5 hectares mais se situe dans un contexte de friches industrielles bien plus vaste, s'étendant le long de la voie ferrée. Ne faut-il pas que les abattoirs rayonnent davantage ? Ne peuvent-ils pas être le point d'ancrage et de départ d'un projet plus vaste ? Comment faire de ce lieu, le pôle culturel contemporain le plus important du pays ? Comment le rendre plus accessible et à la portée de tous ? Comment conserver l'authenticité d'un tel lieu tout en proposant de nouvelles attributions, de nouveaux espaces d'expression ? Quelle place l'empreinte du passé doit-elle occuper dans la reconversion de ces abattoirs en milieu culturel ? 

L'enjeu sera de donner un second souffle à cet espace tout en conservant et mettant en valeur son identité et son caractère. Il est également important de définir la part et la place du paysage dans cette étude et de travailler de paire avec l'architecture, les volumes dégagés et l'interface intérieur/extérieur ainsi qu'avec les nouveaux usages qui lui seront attribués.