Etudiante : Eloyse Descurninges
Directrice de mémoire : Claire Dauviau
Le Bourget du Lac, entre l’adret et l’ubac : redonner toute sa valeur à un paysage d’entre deux…

Adret : (provençal adreit, bon côté) en montagne, versant le plus ensoleillé d’une vallée, opposé à l’ubac. L’adret est le versant le plus favorable aux cultures et à l’habitat. Source : dictionnaire Larousse, éd. 2008

Ubac : (ancien provençal ubac, du latin opacus, sombre) dans les Alpes, versant le moins ensoleillé d’une vallée (généralement exposé au Nord), souvent forestier. Source : dictionnaire Larousse, éd. 2008

Entre-deux : partie ou place qui sépare deux choses. Etat intermédiaire entre deux extrêmes. Source : dictionnaire Larousse, éd. 2008

Le Lac du Bourget est le plus grand lac alpin d’origine glaciaire en France. Il résume à lui seul la difficulté d’habiter et d’organiser un territoire longtemps fait de reliefs accidentés, de massifs infranchissables, de vallées autarciques et de villages isolés.
Cette immense masse d’eau s’inscrit avant tout dans un système de grandes vallées glaciaires. Entre pré-Alpes et haute montagne, entre Vallée de l’Arve et la Combe de Savoie, ces dynamiques de grandes vallées ont forgé au fil des temps un lac qui fédère des paysages contradictoires.

Le lac dynamique – l’adret touristique et urbanisé
Au Sud-Est, les premiers contreforts des Bauges sont le fer de lance de la Savoie moderne. Ces vallons urbanisés, couronnés de falaises calcaires, relient le Nord au Sud, la France, l’Italie et la Suisse. En l’espace de 50 ans, les autoroutes, les zones commerciales et industrielles, les lotissements et des infrastructures diverses ont envahis ces coteaux qui mènent aux plages surpeuplées du lac. Ce développement économique et touristique a propulsé Aix-les-Bains au même rang que les très prisés abords du lac d’Annecy et du lac Léman. Ce brusque essor économique, démographique et touristique a, du même coup, happé les paysages fragiles qui faisaient toute la richesse et la beauté de ce lac. Les roselières, les vallons humides, les criques abritées, les modestes villages et les petits ports ont disparu au profit d’un lac tourné vers la modernité.

Le lac préservé – l’ubac sauvage et isolé
Au Nord-Ouest, les flancs abrupts de la Chaîne de l’Epine sont restés les mêmes. Les falaises boisées du Mont du Chat plongent dans les eaux sombres du lac. Les marais de la Chautagne relient presque secrètement le Lac du Bourget au Rhône pourtant tout proche… De rares villages s’accrochent tant bien que mal aux pentes sombres mais luxuriantes de cet ubac préservé des ravages du tourisme de masse. On y retrouve le lac d’avant 1950, les reliefs d’avant les autoroutes, un « pays » où tout est plus lent et plus long… Les départementales promènent les automobilistes dans des lacets improbables. Les villages de Semelaz et Ontex paressent entre deux falaises. Châtillon la médiévale domine les marais et nargue Aix-les-Bains, ville thermale…

Le Bourget du Lac – un entre deux à distinguer
En montagne, il n’existe pas de mot pour qualifier ce qu’il y a entre l’adret et l’ubac, entre le massif et la vallée. Pourtant, cet entre-deux existe bel et bien au bord du lac du Bourget.
Entre pré-Alpes et haute montagne, entre la Vallée de l’Arve et la combe de Savoie, entre le Massif des Bauges et la Chaîne de l’Epine, entre l’adret et l’ubac, entre le lac préservé et le lac dynamique, entre l’ancien et le moderne, le Bourget du Lac tente d’exister sans trop y croire. Pourtant, ce village blotti entre le Lac du Bourget et la Chaîne de l’Epine, est le seul maillon qui relie l’adret et l’ubac, la montagne et le lac, les forêts et la plage, l’urbain et le rural…
Longtemps ignoré et tenu à l’écart, le Bourget du Lac a cependant réussi à accumuler dans le désordre de nombreux atouts, malheureusement inexploités. Se côtoient alors pêle-mêle, un centre bourg dynamique et attractif, une plage intimiste, le tout petit port de plaisance du Charpignat, les zones naturelles très vastes et très peu valorisées de la Croix Verte, le très concurrentiel pôle scientifique et universitaire de Savoie-Technolac, une agriculture locale encore traditionnelle, les boisements sombres et très luxuriants du Mont Chat et la Leysse, cours d’eau prenant sa source à l’Est des Bauges et se jetant dans le lac au niveau de la Croix verte.

Si on fait l’inventaire de ces entités si contradictoires, accumulées et entremêlées au sein de la même commune du Bourget du Lac, on s’aperçoit très vite que ces entités sont très spécifiques au Lac du Bourget. Le Bourget du Lac,  si longtemps tenu à l’écart, pourrait-il alors devenir un modèle de conciliation et d’innovation ?

Si on parvient à redonner une cohérence à cette commune, si on arrive à raccommoder toutes ces entités divergentes, si on arrive à forger une nouvelle identité plus nuancée à ce paysage d’entre deux… Le Bourget du Lac pourrait alors devenir un modèle pour un bassin versant sans cesse écartelé entre une géomorphologie complexe et un désir de modernité et de dynamisme.