Etudiante : Vanessa Lê-Vân
Directrice de mémoire : Catherine Farelle
Entre coteaux, eaux et patrimoine : le développement de Pocé-sur-Cisse.

Un coteau surplombant, habillé d’arbres dont le volume amplifie la présence, crée le décor du bord linéaire de la vallée. L’humidité ambiante et l’omniprésence de l’eau caractérisent le pied du coteau. Gravissez la pente et l’odeur chaude du tuffeau est progressivement couverte par la senteur particulière et âpre de la vigne. Une lumière diffuse enveloppe alors toute chose. De là haut, une vue se dégage parfois vers le Val ; il y a d’abord le village, implanté à flanc de coteau, ses extensions, tentacules pavillonnaires ou industrielles se développant dans la plaine alluviale, et enfin cette plaine immense, couverte de champs et parsemée de bosquets. Une ligne au fond souligne l’horizon, c’est le second coteau encadrant la Loire. On se trouve en Touraine, dans la zone de confluence où la Cisse rejoint la Loire.
Le Val de Loire a de tout temps évoqué une certaine douceur de vivre, un cadre de vie idéal. La particularité de son climat, de sa lumière et de ses ambiances, ainsi qu’une position stratégique sur le territoire, ont poussé les hommes à s’y installer. Vallée des châteaux, des Rois et de la Renaissance, elle fût le berceau de l’histoire française durant plusieurs siècles. Ces périodes y ont laissé un riche patrimoine architectural, mais aussi une certaine nostalgie de cette centralité passée. Souvent dénommé Jardin de la France, le Val peut encore être considéré comme tel. Ceci de par les zones de production viticole, céréalière, maraîchère et d’élevage, mais aussi pour la richesse des zones naturelles, en particulier le lit de la Loire considérée comme dernier fleuve sauvage d’Europe. Les multiples classements (UNESCO, Monuments historiques…) dont fait l’objet le Val de Loire, témoignent de la qualité du patrimoine historique, culturel, architectural et paysager à l’échelle nationale, européenne, mais aussi mondiale. Si aujourd’hui on ne se trouve pas dans une région en mal d’identité, derrière cette reconnaissance se cache la réalité de communes qui doivent se développer dans un compromis entre l’image de marque et d’excellence induite par le classement à l’UNESCO de la vallée de la Loire, les contraintes liées à l’eau et le développement de leurs activités et de leur habitat. Plus qu’un cadre où vivre, la population qui habite ces villes, y vit, se déplace, se nourrit, travaille, participe au paysage par le simple fait de sa présence … On peut se demander comment la reconnaissance du patrimoine peut jouer un rôle dans la mise en valeur des villages concernés, et quelle place le patrimoine prend dans la vie et le paysage actuel.

Sur le plateau au nord d’Amboise, s’étend un vignoble, partagé entre les communes de Pocé-sur-Cisse, Saint-Ouen-les-Vignes, Limeray et Cangey. Le vignoble, aujourd’hui reconnu en un terroir AOC Touraine-Amboise, constitue un élément indissociable de l’image de ces communes. Creusé par la Ramberge, le vallon perpendiculaire au coteau marque fortement cette entité, ainsi que la Cisse, parallèle à la Loire. Pocé-sur-Cisse situé au cœur de l’entité est un village périurbain de 1610 habitants dont le territoire s’étend au nord depuis le fleuve sur une superficie d’environ 1000 km2. Pocé appartient aussi à la Communauté de Communes Val d’Amboise qui rassemble 9 communes de part et d’autre de la Loire autour d’un centre économique à cheval sur les territoires de Nazelle-Négron, Amboise et Pocé-sur-Cisse.
L’eau (ses contraintes, ses risques et sa nécessité) a conditionné l’installation des hommes dans cette vallée. Les degrés d’humidité et la qualité des sols ont déterminé l’implantation des cultures, l’urbanisation et les activités. Ce n’est qu’au XXème siècle qu’une urbanisation anarchique s’est développée dans les zones inondables et les zones soumises aux risques d’érosion. Ce phénomène a été amplifié par les techniques culturales et de gestion des cours d’eau mises en place à l’échelle du bassin versant. On peut également constater une évolution du rapport des habitants et des autorités considérant aujourd’hui qu’une inondation est une catastrophe « naturelle », bien qu’elle soit souvent amplifiée par les activités et implantations humaines. Ainsi, les aménagements réalisés, censés gérer l’eau, n’ont pas l’effet escompté puisqu’ils occasionnent concentration et accélération des eaux. L’effondrement d’un pan de coteau à Vouvray pose la question de la prise en compte de l’érosion, des eaux de ruissellement et des crues en amont des zones construites. Cette démarche devra s’interroger sur la manière de prendre en compte les évènements pluvieux et les inondations dans ces sites à l’échelle des bassins versants, ainsi que sur la place à donner à la viticulture dans la gestion et la mise en valeur du territoire.
L’histoire industrielle et sociale de Pocé a été marquée par l’installation au début du XIXème siècle de la fonderie J.-J. Ducel dans le parc du château de Pocé. Elle employait, à son apogée, de 400 à 500 ouvriers, induisant la construction d’habitations et un renouveau pour la commune. De nos jours, deux entreprises internationales sont implantées à Pocé, apportant près de 1000 emplois à la communauté de commune. Cependant, située à proximité des grands axes de communication (autoroute, route nationale, voie ferrée), la ville court toujours le risque de devenir cité-dortoir des grands centres urbains régionaux comme Tours, Amboise, Blois... Aujourd’hui, le PLU offre à la construction un certain nombre de parcelles situées sur le plateau posant des problèmes d’accès et de liaison au bourg et concurrençant la vigne. La ville souhaitant augmenter sa population de 300 habitants en 10 ans, comment permettre un développement raisonné de l’urbanisation en conservant l’identité du territoire ? Comment faire évoluer cette identité en harmonie avec l’environnement et les questions actuelles en matière de durabilité ? Comment mettre en relation les différentes extensions et le paysage environnant ?
La problématique étant identique sur un linéaire de coteau d’une centaine de kilomètres de Blois à Chinon, l’apport d’un paysagiste pourra également constituer l’exemple d’une proposition applicable à l’échelle du Val de Loire.