Etudiant : Yohan Demasse
Directeur de mémoire : Jean-François de Boiscuillé
Le réchauffement climatique : une nouvelle dynamique au marais de Brouage.

Au nord de l'estuaire de la Gironde, abrités des houles d'ouest par l'île d'Oléron, s'étendent, plans et tranquilles, les marais charentais. Porteurs du malheur et de la désolation, les marais renvoient aujourd’hui une certaine image du bonheur. Marécages dangereux, devenus paradis mi terrestres, mi aquatiques, ils détiennent un fond richissime d’images, d’ambiances, de sensations, en grande partie inédit à ces territoires, mais encore mal connu du public. A proximité de deux bassins frères, le marais de Rochefort au Nord et le marais de la Seudre au Sud, le marais de Brouage côtoie l'océan. Cette surface parfaitement plane n’a d’autres éminences que les lignes ondulantes des arbres sur le coteau. Un pointillisme de couleur ocre et brune se distingue de cette vaste étendue herbeuse. Le bocage s’atténue doucement, les maisons sont absentes, mais les prairies s’étendent sans fin, avec des troupeaux et quelques champs moissonnés. Un peu plus loin, vers l’Ouest, une ligne beige se profile à l’horizon, la digue. Véritable coupure dans le paysage, elle masque l’horizon maritime. En effet, l'homme est intervenu pour annexer ces terres aux continents, leur donnant un caractère très fort. Sous l'influence de l'anthropisation et progressivement, du retrait de l'océan du golfe de Saintonge, des marais salants sont apparus. Ainsi, au XIVème siècle, des navires de tous horizons venaient dans ce port très célèbre pour acquérir l'or blanc. Peu à peu, sous l'effet de la sédimentation, l'océan des marais salants s'est colmaté. La vie du port s'essouffle. L'extinction des salines semble inéluctable, le marais doux gagne, les salines meurent. L'élevage s'installe sur la végétation folle du marais. Depuis peu, le marais de Brouage voit son visage se transformer pour une population qui travaille dans les centres urbains proches, mais a choisi pour des raisons financières et de cadre de vie, d'habiter, non le marais, mais sa périphérie et les îles qui le ponctuent. Toutefois, le paysage du marais de Brouage conserve la forte empreinte de son passé salicole. La citadelle Vauban subsiste. C'est le poumon par lequel l’ensemble de ce territoire respire ; la route, l’œsophage ; l’entrée, la trachée ; les bastions, les alvéoles pulmonaires. Son emplacement stratégique permet une surveillance de tout le marais. Reliques de l'époque glorieuse, vasais, jas et métières jaillissent des anciens bassins. Le soleil a un rôle épurateur, il crée le vide et accentue les filets d’eau circulant entre les parcelles. La clarté du marais évolue au cours de la journée et du temps océanique. Un nuage apparaît et c’est l’ensemble du marais qui se ternit, perd sa luminosité et s’efface dans le ciel.
Malgré l'omniprésence des traces de l'anthropisation (champs, canaux, digue), le marais garde une réelle richesse environnementale par la diversité de sa faune et de sa flore. La préservation de ce milieu sensible est même conditionnée par le maintien des activités liées à l'homme, telle que l'élevage. Les adeptes du « tourisme vert » admirent cette nature préservée, qui ne doit pas pour autant être mise sous cloche, en figeant le paysage sur l'image d'un marais traditionnel authentique : l'herbe, la vache et la citadelle. Ce serait oublier le réchauffement climatique, dont les premiers effets se font d'ailleurs annoncer par l'apparition de nouvelles espèces animales et végétales d'origine exotique. À moins que la mer, dans un accès de colère, ne s'empare à nouveau de ce qui s'est édifié à son insu ou de ce qu'elle a laissé faire, mais qui reste son bien.

Le territoire de Brouage a connu, par des actions locales, des évolutions accélérées. Avec le réchauffement climatique, c’est un facteur mondial qui va entraîner la mutation de ce petit territoire. Le marais, milieu hypersensible, va être la démonstration rapide de ces bouleversements.

Comment le réchauffement climatique peut-il donner une nouvelle dynamique à ce territoire ? Quel impact a celui-ci sur le marais ? Quels usages fait-on de ce nouveau territoire ? Enfin, quelle nouvelle image et quel regard porter sur le futur marais de Brouage ? Aussi, ce territoire sera dans une phase de reconversion iconographique par laquelle les acteurs du marais joueront un grand rôle. Je souhaite investir cette réflexion à l'échelle du bassin versant, pour définir l'avenir de ce petit bout de terre émergée où se mélangent eau douce et eau salée.