Etudiante : Floriane Vény
Directeur de mémoire : Jean Grelier
Le cheval, cinq mille cinq cents ans d’usage, quelle place lui réserve la société moderne ? L’exemple du Haras de Rosières-aux-Salines.

Alors qu’au XVIIè siècle, la France doit importer la majorité des chevaux destinés à son armée, un plan d’élevage est mis en place, Colbert crée les Haras Nationaux. En 1806, Napoléon Ier décide de rétablir les Haras, supprimés durant la révolution. Les bâtiments religieux, devenus biens nationaux, sont reconvertis pour l’hébergement des chevaux ; un nouveau plan d’élevage est élaboré. Le réseau des Haras s’étend, des écoles du cheval voient le jour et l’élevage français se redresse et s’améliore. La Première Guerre Mondiale marque le déclin de l’utilisation de la cavalerie de l’armée, mais le besoin en chevaux est grandissant dans d’autres domaines : agriculture, industrie... Les Haras choisissent d’évoluer afin de s’adapter à cette nouvelle demande.
En 1935, la France compte 3 millions de chevaux. C’est l’apogée d’une époque où l’animal est partout : routes, villes, campagnes, usines, mines, champs de batailles... Il est le pilier d’une société qui lui doit tout et le lui rend d’une certaine manière. Son statut particulier d’animal domestique d’usage lui vaut une promiscuité constante avec ses maîtres. Il vit, se déplace, travaille à leurs côtés.

Après des siècles de vie commune, l’adaptation du territoire à l’usage du cheval arrive à son sommet : campagnes, villes, rues, maisons, cours... sont modelées selon sa présence, sa taille et sa fragilité. Une grande partie du territoire est conditionnée de manière à ce que l’homme puisse tirer le meilleur du cheval. Les habitations se devaient d’accueillir les chevaux ainsi que tous ce qui leur était lié, les champs étaient délimités par le travail des animaux, les routes étaient tracées selon l’usage des équidés. Aux rythmes naturels du paysage s’est ajouté celui du cheval : l’espace s’est adapté au mode de déplacement. Lenteur de la progression, fréquence des pauses, difficultés dans le cheminement, hauteur de l’assise sont autant d’éléments qui spécifient la perception d’un cavalier ou cocher.

Arrive alors l’ère des moteurs, et les chevaux ne deviennent que l’apanage d’une riche bourgeoisie en quête de loisirs. L’animal d’usage devient objet de divertissement, les écuries ne sont plus que le baromètre de la fortune. En 1990, la France ne compte plus que 287 000 chevaux.

Après 60 ans d’«inutilité», le cheval est sur le point de retrouver une place dans la société moderne. A l’époque des énergies dites naturelles, il est remis au goût du jour avec un maximum d’attention. Chercheurs de toutes sortes s’intéressent à son influence dans de nombreux domaines : commerce, sport, tourisme, environnement, aménagement du territoire, communication, insertion sociale, patrimoine, culture... Sortant largement du cadre agricole, son étiquette de «valorisateur d’espace» a été posée : facteur de tourisme urbain, aide à la restauration de milieux naturels fragiles, maintient de l’agriculture en zones périurbaines...
Les Haras remplissent toujours leur rôle d’élevage, mais rencontrent une certaine difficulté à s’adapter à cette nouvelle demande. La quantité de chevaux n’est aujourd’hui plus un problème puisque leur nombre atteint actuellement près d’un million. Ils souhaitent donc s’orienter vers la qualité de la production et offrir de nouveaux services qui effaceraient leur image obsolète de producteurs de chevaux de guerre ou de travail.

Les Haras, répartis sur 23 sites en France, sont donc actuellement en pleine remise en question. A l’heure où la société souhaite retrouver un usage au cheval, quel est leur avenir ?
La présence de l’animal est-elle utopie ou utilité ?
Quelles empreintes reste-t-il de l’usage du cheval ?
Quelle place peut-il avoir dans notre société ?

C'est l'un de ces sites qui va illustrer cette démarche.

Le domaine du Haras de Rosières aux Salines s'étend sur 12 hectares, à une dizaine de kilomètres de la ville de Nancy. Créé en 1768 dans les anciennes salines royales, il est depuis consacré à la reproduction des chevaux. Mais à cet endroit comme dans de nombreux autres, cette activité s'essouffle. Le Conseil Général de Meurthe et Moselle, propriétaire du site, a donc lancé un grand projet de développement : réaliser des aménagements équestres permettant de promouvoir des évènements autres que ceux liés à l'élevage. Ainsi, le Haras doit entrer dans une nouvelle dynamique territoriale en faisant vivre la culture équestre régionale et en s'ouvrant au grand public. Un pôle sportif et une maison du cheval devraient voir le jour et cohabiter avec le pôle élevage existant. Le Haras bénéficie d'atouts géographiques qui lui permettraient d'avoir un rayonnement plus que régional mais la mise en place de ces deux nouvelles structures reste peu évidente. Aucune extension du site n'est possible de par la forte pression immobilière, la présence du village, de l'autoroute et de bassins de décantation chimiques. De plus, la Meurthe coulant tout près soumet le site à de potentielles inondations. La reconversion du site s'annonce donc complexe, aussi bien dans ses relations avec l'extérieur, qu'elles soient plus ou moins directes, que dans son fonctionnement interne : cohabitations des structures, des usagers, problèmes de stockages, de flux...