Etudiante : Raphaëlle Chéré
Directeur de mémoire : Claude Eveno
La place de la vieillesse dans la société contemporaine. Projet pour la résidence de santé Arthur Groussier, Bondy (93).

Le modèle familial a considérablement évolué depuis quelques décennies dans nos sociétés occidentales. Contrairement à d’autres cultures, les personnes âgées n’habitent souvent plus avec leurs enfants, chacun est autonome en son foyer. Lorsque l’autonomie des plus âgés n’est plus suffisante, il est de plus en plus rare que leurs familles les prennent en charge. Il a donc fallu que la société s’adapte à cet état de fait et crée des structures d’accueil pour ces personnes désormais dépendantes physiquement ou psychologiquement, qui ne peuvent ni être maintenues à domicile, ni être hospitalisées. L’hospice, le sanatorium, l’hôtel des vieillards, la maison de retraite, la résidence de santé, les MAPAD, les EHPAD, autant de structures et de noms pour désigner ces substituts de noyau familial, espaces singuliers découlant d’une nouvelle manière de considérer la vieillesse.

Le territoire s’est peu à peu doté de ces « équipements », qui font partie, au même titre que l’école, les terrains de sports et le cimetière, des structures sociales incontournables d’une ville moyenne. Ces établissements répondent à des programmes communs, axés sur la fonctionnalité, le soin et la sécurité, négligeant souvent d’autres points pourtant essentiels comme l’intégration dans la trame urbaine, l’habitabilité ou l’humanité des lieux. C’est pourquoi, ils sont souvent identifiables au premier regard, adoptant des formes préconçues, posés comme des objets, à la campagne comme à la ville.

La résidence de santé Arthur Groussier, située à Bondy en Seine-saint-Denis, en est un exemple. Construite en 1967, elle s’inscrit dans la grande vague de construction des villes nouvelles de l’après-guerre. Elle dresse ses deux grandes ailes au centre de ses 2,5 ha de terrain, au sein d’un tissu urbain disparate, ne ressemblant ni aux barres d’immeubles, ni aux pavillons, ni aux groupes scolaires environnants. Considérée à l’époque comme le sommet de la modernité, que peut-on dire désormais du fait d’envoyer de vieux parisiens dépendants dans ce quartier de banlieue ? Qu’avons-nous à leur offrir ici, dans ce microcosme fermé et vidéo surveillé, au sein d’une ville qui n’est pas la leur ? Qu’avons-nous à offrir à ces deux cents personnes, des hommes et des femmes contraints, par la force des choses et de l’âge, à habiter ensemble dans une grande « maison », réunis en ce lieu en raison de pathologies diverses, troubles cognitifs ou moteurs ou par ce mal qui n’en est pas un, la vieillesse? Le système reste globalement à revoir et en s’appuyant sur une question : que sommes-nous prêts à mettre en œuvre individuellement et collectivement pour le respect et la conservation de la place des personnes âgées au sein de cette société ? Cependant aujourd’hui, 650 000 personnes vivent en institutions, dans des conditions très variables selon les établissements, parfois bien en deçà du respect minimum que l’on doit à des êtres vivants et il est possible d’améliorer cette situation par différentes adaptations, restructurations ou de nouveaux fondements.

Pour la résidence de santé Arthur Groussier, le jardin peut être une porte d’entrée pour tout un travail autour de l’autonomie, du lien et de la thérapie, pour un travail pluridisciplinaire autour des maladies des personnes âgées et particulièrement de la maladie d’Alzheimer. Un jardin contre l’exclusion et le jugement, contre une société qui estime trop souvent que celui qui ne produit pas doit être mis à l’écart.
Un jardin pour se sentir utile, produire encore du vivant, ne pas devenir passif de sa vie quand on vous relègue dans cette antichambre de la mort.
Un jardin comme lien à la ville, tourné vers elle, pour la contempler, lui parler, la sentir encore, faire encore partie de son battement.
Un jardin comme espace de soins, lieu de toutes les stimulations, support de thérapie et d’activités pour les soignants et accompagnants, des médecins aux kinésithérapeutes, des animateurs aux aides-soignants, des psychologues aux jardiniers.
Un jardin comme espace de plaisir, d’échange et de liberté, lieu de l’indépendance et du groupe, pour se retrouver ou se rencontrer, contre la solitude, l’isolement et l’ennui.
Un jardin comme lieu du lien social, lieu de rencontre et de transmission des savoirs. Un jardin qui crée des buts immédiats et des buts à atteindre, des raisons lointaines, des valeurs sur lesquelles on peut compter.
Un jardin en changement perpétuel, qui brise la monotonie du dedans tout en obéissant à un cycle rassurant, repère temporel qui ne nie pas le froid ou la chaleur, le vent ou l’humidité, qui oblige à l’adaptation et peut encore surprendre.
Un jardin à l’échelle de cette grande maison, qui fonctionnerait avec elle, avec des connexions réelles et directes, des regards croisés.  `

Un projet pour poser des questions, pour chercher de nouvelles réponses, pour s’intéresser à une population délaissée. Un jardin pour ne pas oublier.