Etudiant : Thomas Hanss
Directeur de mémoire : Jean Grelier
COHABITATION DES TERRITOIRES ANIMAUX ET DES TERRITOIRES HUMAINS ; LE LOUP COMME INTERROGATION A LA PART ET A LA FORME DU SAUVAGE DANS LE PAYSAGE
La remontée du loup en France par l'Arc Alpin, débutée en 1992, a abouti à la présence permanente de loups sur le sol français, après une absence d'une soixantaine d'année suite à la volonté d'une société qui souhaitait majoritairement le voir disparaître. Le loup réinvestit aujourd'hui un autre territoire, celui de notre société contemporaine. La donne a changé. La convention de Berne (1979), plus récemment la directive "Habitat" (1992), ainsi que la volonté de "développement durable", le font passer du statut de "nuisible" à celui "d'espèce protégée". Le loup est devenu intouchable. Dès ses premières apparitions dans les Alpes, la question du loup s'est affichée comme un champ d'affrontements politique et idéologique dans les régions devenues " à loups" et plus globalement sur l'espace français dans son entier. Les points de vue de ce débat déclinent toutes les nuances allant de la perception du loup comme espèce nuisible à celle du loup comme animal utile, "qui a sa place", encore que sur la définition de cette dernière, les avis divergent. Les confrontations de points de vue explicites sur la législation concernant le statut de l'animal, son utilité, sa "gestion",... sous-tendues de confrontations implicites oscillant entre le traumatisme français et les peurs liées au loup, les utopies écologistes, les conceptions de la "Nature", etc., n'ont pas abouti à un consensus. Le programme de protection (life-loup France) et le projet de zonages définissant, dans les Alpes, les "zones de présence autorisée", les "zones de présence tolérée" et les "zones de présence interdite" à l'animal ont été doucement mis de côté bien que le suivi scientifique continue. La rumeur s'est peu à peu calmée et en dehors des faits qui donnent à créer du sensationnel, le loup ne fait plus que rarement parler de lui dans les médias. Pendant le temps des concertations, le loup, lui, a continué à s'approprier de nouveaux territoires, ignorant la place que l'on comptait lui assigner. De quelques individus en 1992, on compte en 2005 entre 40 et 50 individus répertoriés. Les chiffres étant à prendre avec le doute qu'il convient puisque, selon les sources et les méthodes de statistique, les chiffres varient généralement à la hausse. Le loup, qui en France semble bien être un faux problème, n'est pas en soit générateur de paysage, mais il ne cesse de nous amener à nous questionner sur le rapport de notre société à cet animal emblématique et chargé de sens et donc, d'une façon plus large, à la place de l'animal et du sauvage dans "notre monde", à la part de "notre espace" que l'on peut lui concéder. Dans une large part issue du constat de nos actions sur "l'environnement" à la fin du XXeme siècle, le questionnement sur l'animal est un symptôme contemporain. Etudiée d'abord par la géographie et la sociologie, la part du monde de l'animal est même devenue une préoccupation de l'état avec les mesures prises pour la création d'infrastructures dédiées à la faune (passages à faune, crapauducs,...) et la "mise en réserve" de portions de territoires de façon permanente ou temporaire pour leurs valeurs et leurs intérêts faunistiques. Ce domaine de prospection, qui reste en grande partie à défricher, interroge aussi le paysage en nous parlant de territoires, de nos usages de l'espace, de notre rapport au monde et de sa publicité. Le loup, retour inattendu du sauvage sur ce que l'on considérait acquis, est une occasion pour s'interroger. Quelles peuvent être les applications d'une réflexion sur les territoires animaux dans un projet de paysage ? A quelle(s) échelle(s) les territoires animaux nous invitent à penser le projet ? Dans quelle mesure nos usages et nos perceptions de l'espace entrent en relation avec les usages et les perceptions animales ? ... Le loup sera la clef d'une réflexion sur un espace où il cohabite avec l'homme et où se pose pour ce dernier la question du développement dans un milieu qu'il souhaite préserver, où la volonté est de faire une place à "la nature". C'est le Parc Naturel Régional du Queyras dans le département des Hautes-Alpes, avec ses problématiques et son échelle propice à en faire un "laboratoire", qui se prêtera au jeu. La question viscérale de nos rapports aux animaux et de leurs rapports à l'espace nous permet de nous interroger nous-même : quelle est la place de l'animal ? quelle est la nôtre ?, quel est le statut de l'animal ? quel est le nôtre ? L'ombre d'une réflexion sur l'animal est celle de l'homme.