Etudiant : Grégory Morisseau
Directeur de mémoire : Jean-François de Boiscuillé
LA BAIE DE SOMME, RENDRE LA TERRE A LA MER ET/OU CONTINENTALISER
Le littoral est un cordon dynamique, flexible nourri de la terre et de la mer. Erosion et sédimentation précipitent le territoire dans une perpétuelle mouvance. La variabilité du rivage picard et la rapidité de son évolution fascinent. à la place d’un tas d’éboulis qui était là hier, on trouve aujourd’hui un trou d’eau, au lieu d’un ruisseau, on trouve un tas de sable… Où s’étendait un champ de galets s’élèvent des dunes ; et voici qu’au souffle du vent, ces dunes se déplacent presque à vue d’œil. Dans cet espace entre terre et mer, les efforts de l’homme pour aménager et exploiter, construire et endiguer, constituent une lutte incessante menée contre les éléments.
Echancrure endiguée de plus de 12 Km de long, la baie de Somme est avant tout un estuaire, lieu d’échanges naturels et de conjugaisons hydrauliques entre la terre et la mer (havre de pêche, paradis de chasse, halte migratoire des oiseaux mais aussi sanctuaire touristique…). Seulement, l’estuaire est soumis à un ensablement naturel, progressif et inéluctable, qui condamne le caractère maritime (mobilité des chenaux, submersion des schorres…) de la baie à disparaître. Le colmatage complet est prévu pour 2020. Les travaux entrepris ou imaginés depuis de longues années sont incapables d’empêcher ce colmatage. Ils ne visent qu’à maintenir les chenaux maritimes d’accès aux ports et à ralentir le phénomène de sédimentation. Or, à plus long terme, la montée des eaux dues aux changements climatiques devrait accélérer le processus de sédimentation dans la baie ainsi que l’érosion des dunes, cordons et digues des Bas-Champs. Le colmatage est inéluctable. Tôt ou tard il faudra renoncer à ce que le port du Crotoy soit visité par la mer : laisser croire le contraire serait entretenir l’illusion.
Pour l’étude du scénario iconoclaste : laisser la baie se cristalliser et accompagner cette sédimentation
La volonté du conservatoire du littoral serait de contrarier au minimum le fonctionnement des phénomènes naturels et d’intervenir le plus légèrement possible. Il s’agit même d’envisager la dépoldérisation de certains terrains, c’est-à-dire rendre à la mer des espaces qu’on lui avait jadis soustraits. C’est une solution qui apporte une richesse écologique à moyen terme.
Le projet qui m’interpelle n’est donc pas un projet de lutte acharnée contre les risques naturels mais un projet où la non-intervention humaine laisse libre cours au processus naturel de comblement de la baie. Quelle serait alors la situation dans 10 ans, 15 ans, 50 ans ? Il s’agira de prévoir les conséquences sur les milieux naturels actuels et sur les activités existantes ainsi que les adaptations en termes d’aménagement pour anticiper le processus d’ensablement. L’enjeu est aussi de maintenir la richesse de ce territoire et les activités de nature économiques.

Quels nouveaux usages pour ce nouveau territoire ? Quelle nouvelle position et physionomie du trait de côte ? Quelle habitabilité (ou pas) dans cette baie échouée ? Comment garder l’attractivité d’une baie quand elle se continentalise ? Enfin, quelle nouvelle image et quel regard sur la future baie de Somme ?
Aussi, ce territoire est dans une phase considérable de reconversion économique par laquelle le « tourisme de nature » représente une véritable locomotive. Vers quelle évolution se tourne ce néotourisme ? Quelles conciliations entre nature, tourisme, population locale et territoire en mouvance ? Quel exemple de gestion intégrée de cette zone côtière ?
La réflexion sera portée à l’échelle de la baie mais aussi des Bas-Champs, des carrières de galets, des cordons dunaires et des villages-ports de St Valéry, Le crotoy, Le Hourdel…
C’est la naissance d’un nouveau territoire littoral, fruit d’une poldérisation naturelle, terre créée par la plaine liquide, qu’il me tente d’investir.