Etudiant : Thibaut Deglaire
Directeur de mémoire : Marc Claramunt
A LA RECONQUETE DU CANAL OUBLIE DE REIMS
Reims, avec ses 200 000 habitants environ, se place comme la plus grosse agglomération de la région Champagne-Ardenne. Grâce à une croissance, qui au XXe siècle a pris la forme de grandes opérations d’urbanisme maîtrisées (notamment après les destructions massives dues aux deux guerres mondiales), cette ville se caractérise aujourd’hui par sa compacité et sa densité (deuxième ville de plus de 150 000 habitants la plus dense de France après Paris), mais aussi par un déficit d’espaces verts (11m2/habitant).
Pourtant, un potentiel existe ici, pressenti par le projet de l’agglomération de créer une « Coulée Verte » qui traverserait la ville, s’appuyant sur le passage d’une rivière (la Vesle) et du canal de l’Aisne à la Marne pour aménager, recréer et associer parcs urbains et promenades vertes jusqu’au cœur même de la ville, sur une superficie de plus de 600 ha.
D’autre part, le centre-ville de Reims atteint aujourd’hui un seuil de saturation automobile, aussi bien en termes de trafic aux heures de pointe que de stationnement. Cette situation est la conséquence d’un taux de motorisation par ménage en constante augmentation et d’une colonisation outrancière de l’espace public par la voiture, ce qui, du fait de la densité de la ville, est en phase d’aboutir à des problèmes accentués de pollution et de nuisances. Face à cela, le plan de déplacements urbains de Reims promeut une reconquête des espaces urbains au profit des piétons, en fixant notamment comme orientation de développer un partage de l’espace favorable à la pratique de la marche et du vélo.
Le canal de Reims, de gabarit Freycinet, traverse la ville du nord au sud-est sur environ 13 Km. Il est bordé de langues de verdure peu aménagées, ni entretenues, malgré un chemin de grande randonnée (GR n° 654). Son tracé relie des éléments et des entités urbaines variées (centre-ville commercial, historique et culturel, infrastructures sportives, parcs, jardins ouvriers, quartiers d’habitations, Z.I., jusqu’à la campagne agricole et une ZNIEFF en bordure d’agglomération). Mais coupé de tous ces éléments par des accès peu nombreux et difficiles et par la présence d’une autoroute et de boulevards urbains qui le longent et l’isolent, le canal semble traverser la ville sans la rencontrer, contrastant d’autant plus avec elle par la tranquillité qui y règne et le transit lent et imperturbable des péniches et de l’eau. Déjà peu intégré à cette vie urbaine qu’il côtoie, il finit de se mettre à l’écart par l’aspect non entretenu, voire délabré, de ses berges envahies d’orties et de liserons qui étouffent les passages, par son eau polluée, par une regrettable discontinuité des chemins qui le longent et une insuffisance d’accès pratiques et de traversées qui ramènent les flâneurs chaque fois sur les même pas.
Pourtant, pratiqué principalement par des habitués, le canal vit encore au rythme paisible des pêcheurs, coureurs, cyclistes, joueurs de pétanque, doux promeneurs, ou celui plus vif des chiens lâchés pour un peu de liberté loin des automobiles, sous le regard des mariniers, plaisanciers et résidents sur péniche, rassurés de constater que cette langue de quiétude n’a pas dit son dernier mot. On observe d’ailleurs ces dernières années (depuis 2000 principalement), une augmentation encourageante de la navigation de plaisance qui atteint les limites des possibilités d’accueil de la halte nautique du centre-ville, tandis que le transport de commerce faiblit lentement.
Créé vers 1850 à des fins économiques, le canal a longtemps participé d’une manière active au développement de Reims et au quotidien de ses habitants. Aujourd’hui déconnecté en faveur du tout puissant réseau asphalté, il passe au second plan au profit de projets urbains plus urgents (gare TGV est, rénovation de quartiers, …), attendant patiemment et sans vagues que la ville lui accorde une nouvelle attention.
Continuité linéaire à l’identité prononcée dans cette ville sans fleuve, le canal présente toutes les qualités pour s’affirmer comme un moyen privilégié de liaisons et de jonctions avec tout ce qu’il met en relation. Il constitue un itinéraire centre-périphérie direct et protégé pour les circulations douces, qui vient faire campagne » jusqu’au cœur de Reims, tout en donnant à voir une diversité de façades de la ville.
Face à ce décalage entre potentiel et état, le projet que je souhaite développer consiste à revaloriser l’entité urbaine de ce canal en la réintégrant à la ville comme un axe de promenades majeur reliant le centre à la périphérie, et qui participe pleinement à la vie de la ville.