Etudiant : Yohann Maillard
Directeur de mémoire : Michel Boulcourt
LA "BRUXELLISATION" TOUJOURS D'ACTUALITE

Les hommes ont souvent dû détruire pour ensuite reconstruire. D’une certaine façon, la ville a besoin d’être parfois effacée pour pouvoir mieux renaître. Mais doit-on démolir systématiquement un lieu pour lui donner une autre fonction, un autre visage ?
En 1870, un échevin belge déclarait : « Dans tous les pays éclairés et artistiques, on ne démolit pas les monuments, mais on les consacre. On me dira que ce n’est pas le premier monument qu’on démolira à Bruxelles. Mais c’est précisément contre ces tendances qu’il faut réagir, parce qu’elles sont pour ainsi dire particulières à notre ville de Bruxelles, où il semble qu’on ne peut rien édifier sans démolir autre chose ».
Les Bruxellois ont encore en mémoire les nombreuses expropriations réalisées aux Marolles, dues à la construction du pharaonique palais de justice, et la destruction en 1963 de la Maison du Peuple, splendeur art nouveau de Victor Horta. On a même fini par parler de « Bruxellisation » pour cette regrettable tendance à démolir.
C’est dans ce contexte que les cokeries du Marly, site industriel à l’abandon depuis dix ans, voient aujourd’hui leur avenir compromis par un projet du port de Bruxelles. Ce dernier veut y implanter une usine de traitement des boues du canal de Willebroek, étant donné sa situation de proximité. Et pour ce faire, envisage la démolition d’un des derniers objets de mémoire de l’industrie bruxelloise.
Ces cokeries faisaient partie des sept unités de production de « gaz de ville » de la région. On y produisait non seulement du gaz, mais aussi de la coke (houille distillée) et des produits dérivés. Après soixante-trois ans d’exploitation, le sol du Marly, chargé d’hydrocarbures et de métaux lourds, est considéré comme l’un des plus pollués de la région. D’où l’importance de répondre à la question de la dépollution avant toute éventualité de projet.
Ces lieux ont longtemps été décriés comme insalubres, les conditions de travail y étaient extrêmement dures. De nombreux témoignages parlent des cokeries comme d’un enfer industriel. Mais de nos jours, les fumées, les flammes, les odeurs et la poussière ont disparu. Le charbon qui tapisse le sol tout autour des batteries suinte par endroits sous l’effet de la chaleur. Les fours de briques sont silencieux, ils commencent à s’effondrer. Les dernières cheminées en place s’élèvent à la manière des flèches d’une cathédrale. Les cokeries ne sont plus qu’un immense site fantôme que l’on aimerait faire disparaître à tout jamais.
Bruxelles a déjà perdu bon nombre de monuments, il semblerait qu’une certaine tendance appelée « Bruxellisation » soit toujours d’actualité.