Etudiante : Marjorie Debonnaire
Directeur de mémoire : Marc Claramunt
UN PATCHWORK D'ESPACES ET D'INTERVALLES / REVITALISATION DES QUARTIERS NORD-EST DE ROUBAIX
A la reconquête des quartiers nord-est de Roubaix
Roubaix naît de l’industrie au XIXe siècle. Elle connaît un essor industriel considérable et par voie de conséquence une urbanisation dense et rapide. L’agglomération subit cependant, depuis quelques années une mutation : la crise économique et l’abandon des usines ont engendré des espaces vacants, les industries et commerces ne sont plus les activités prépondérantes. Mais une dynamique communale, forte d’un territoire constitué en quartiers, s’organise. Elle s’engage, par exemple, dans une politique de préservation et de valorisation du patrimoine et l’obtention du label « Ville d’art et d’histoire » fonde les bases d'une nouvelle reconstruction.
Sous l’égide de l’office du tourisme, des circuits permettent de découvrir différents édifices, mais souvent en abstraction avec certains quartiers. Il nous faut donc comprendre les raisons du manque d’attrait du secteur nord de Roubaix et proposer des solutions pour valoriser ces lieux.Des pleins et des vides
Au nord-est de la ville, les quartiers de l’Hommelet, de Cartigny et de l’Entrepont sont délaissés. Derrière les buddleias s’étendent les friches. Roubaix devient le temps d’une ballade la ville des "dents creuses". Le piéton est confronté à certaines contradictions qui nuisent à la lisibilité des lieux. Le maillage bâti s’est relâché donnant naissance à une juxtaposition de places, de parcs, de terrains de sports avec un canal que rien ne fédère. Malgré les potentialités de ces éléments, une faiblesse émane de ces espaces qui s’ignorent.
De plus, l’emprise du cimetière, situé au cœur de ces quartiers, représente dix-sept hectares dédiés uniquement aux morts. Il s’impose comme un grand vide dans le paysage aussi bien que dans les pratiques piétonnes. Enfin, le passage du Canal de Roubaix dans cette partie de la ville engendre une organisation spatiale linéaire.
Ponctuation d’espaces
Ces trois quartiers sont ponctués de places, de jardins, de parcs et d’un cimetière, espaces totalement disjoints qui déroutent le piéton.
Le cimetière occupe un espace conséquent et participe à ce manque de lisibilité. Cerné de murs, il est peu engageant, ses limites infranchissables paralysent le quartier et masque les vues sur le canal. L’espace du canal n’est d’ailleurs pas plus incitateur alors qu'il longe de nombreuses surfaces vertes qui, elles-mêmes, en annoncent d’autres.
Paradoxalement, l’organisation d’un bâti de qualité, construit aux environs d’espaces publics, eux-mêmes gravitant autour du cimetière, sont des éléments propices à un bon fonctionnement urbain. Il est à noter que la surface totale d’espaces verts dans ces quartiers est équivalente à celle du parc Barbieux situé au sud-est de la commune. Ce dernier a fait la réputation du quartier où il se trouve, pourquoi la même surface plus au nord n’a pas eu les mêmes retombées ?
Frontières
Le cimetière de Roubaix est au cœur de la dynamique communale et pourtant il ne correspond plus à notre mode de vie. Il occupe un terrain où s’exercent de fortes pressions foncières en raison de la proximité du centre ville. Il paralyse le développement urbain et crée une rupture avec le quartier en raison d’un manque de volonté de gestion. De plus, il est bordé d’une succession de limites (le canal, les jardins familiaux, le mur) qui le transforme en véritable frontière communale, alors qu’une zone à vocation économique s’étend derrière lui. La sectorisation des fonctions rend difficile la mixité sociale, dévalorise ces quartiers et bloque les déplacements. L’un des aspects négatifs de la ville c’est d’avoir perdu tout repère communal. Nous passons d’une agglomération à une autre sans pour autant percevoir la transition. Il faut réaffirmer le périmètre de la ville et donner aux quartiers leurs véritables limites. Pénétrer dans un lieu sacré, comme le cimetière, doit s’accompagner d’un changement d’ambiance signifiant un espace particulier et pas seulement une enceinte marquant une rupture.
Enfin, frontière physique, le canal a longtemps tourné le dos aux habitants et préfère le mur des usines. Aujourd’hui, pour exister, il tente de s’ouvrir aux quartiers qu’il traverse. Faisant promenade le long du cimetière, il emprunte un vocabulaire spécifique qui n’est pas suffisamment affirmé. Refermé sur lui-même, son paysage n’est visible de nulle part, si ce n’est en franchissant le pont.
Unification
Le projet vise à une intégration urbaine et paysagère mais aussi culturelle et sociale de nombreux espaces qui s’ignorent. Il faut reconstruire les quartiers, leur attribuer une nouvelle carte d’identité, les valoriser et les unir afin que les habitants s’approprient à nouveau ces espaces en perdition. Seule, une vision globale du territoire permettra de créer un "circuit vert" pour mieux unifier des surfaces d'une ville où les pleins et les vides s’opposent. Pour cela, il est nécessaire d’inscrire le cimetière comme équipement public dans un programme de ville. Cet espace est encore trop marginalisé pour répondre aux impératifs et attentes d’une société moderne, qui utilise le multimédia. La conception et l'approche des lieux funéraires n’ayant que peu évolué depuis le Moyen âge, il semble qu'un travail sur la mixité d’usages dans un lieu de commémoration passe par l’affirmation d’un paysage.
Trésor de plusieurs hectares dans des quartiers qui s’essoufflent, le cimetière et les "espaces verts" ouvrent des perspectives qui devront s’intégrer dans la future trame urbaine afin d’inciter à des nouvelles pratiques et usages des habitants. L’enjeu du projet est de tenter d’assembler des éléments très divers ayant chacun une caractéristique forte avec la certitude que leur conjonction ne peut que conforter la légitimité de chacun d’eux.