Etudiante : Lise Marchal
Directrice de mémoire : Claire Dauviau
Un jardin pour tous au château de Fervaques.

Environ 1 personne sur 500 développe une maladie appartenant au spectre autistique dans les trois premières années de sa vie.

Nous avons tous à l'esprit l'image des personnes les plus gravement atteintes de cette maladie, ne communiquant pas et semblant totalement coupées de notre réalité, souvent absorbées par leurs activités répétitives et obsessionnelles. En fait, le spectre autistique est très large mais les personnes atteintes de ce syndrome présentent des caractéristiques communes de déficiences dans diverses aires de développement : difficultés à interagir socialement de façon réciproque, à communiquer, présence de comportements souvent envahissants, leurs intérêts sont souvent limités et leurs activités stéréotypées.

On ne guérit jamais de l'autisme, mais on peut vivre avec et en diminuer les conséquences par d'intenses thérapies souvent individualisées. Essayer de minimiser le stress est un combat quotidien car il naît des demandes sociales ou des pressions physiques émanant de l'environnement de la personne autiste et résulte par une hyper stimulation sensorielle. La nature est  décrite comme étant l'environnement le plus favorable à la «récupération» après une telle perturbation. Ses bienfaits identifiés incluent une réduction du stress, un soulagement des symptômes physiques (ou de leur conscience), ainsi que l’augmentation de sensation de bien-être.

Cette observation n'est pas récente puisque des références anciennes statuent l'importance de l'environnement naturel pour l'homme comme lieu de ressourcement spirituel mais aussi de guérison physique. Suivant cette  logique, un large panel de jardins a émergé, notamment dans le domaine hospitalier ou para hospitalier. Celui-ci s'étend du «jardin contemplatif» pour le bien de l'esprit au «jardin thérapeutique» où l'individu peut utiliser l'espace afin d'améliorer sa condition physique ou mentale.

Soyons clair: un jardin thérapeutique n'a pas pour ambition de remplacer un traitement médical et n'est pas une cure en soi. Ce TFE n'a pas la prétention de proposer un mode alternatif de thérapie mais plutôt un environnement alternatif au sein desquels les thérapeutes, éducateurs, familles et malades peuvent collaborer et adapter des thérapies spécialisées. De tels espaces, s'adaptant et renforçant la méthode thérapeutique, augmenteront certainement chez les malades la sensation de bien-être et offriront aux institutions qui en sont pourvues une ressource supplémentaire pour interagir avec les personnes autistes et les observer. Un espace extérieur pensé pour les personnes autistes a pour but de réduire les demandes sensorielles de l'individu, encourager son indépendance et réduire les comportements inappropriés. L'ordre, la structure et la clarté sont des éléments importants à garder à l'esprit quand on dessine un environnement pour les personnes autistes.

Les espaces extérieurs sont idéaux pour améliorer ses capacités motrices; prendre part à des activités stimulant les systèmes vestibulaires (à la base du sens de l'équilibre) et proprioceptifs (lié à la sensation de notre propre corps) souvent perturbés chez les personnes autistes. On peut également y faire des activités physiques permettant de libérer une énergie excessive qui se dissiperait autrement sous la forme de comportements inappropriés parfois violents ; on peut passer du temps dehors librement tout simplement, et considérer alors les moments passes dans le jardin comme une récompense après un travail.

Encourager la sociabilité des personnes autistes est certainement l'un des plus grand défis. Loin de moi donc l'intention d'effectuer une ségrégation des personnes autistes puisque leur intégration avec l'ensemble de la société fait partie entière du processus d'amélioration de leur condition. C'est pourquoi le lieu que j'ai choisi pour ce travail est la propriété d'une association, le Kinnor, dont le but est de faire tomber les barrières entre personnes handicapées et non handicapées. Fondée en 1970 par Jean-Claude Lhotel, l'association organise des séjours adaptés et familiaux dont le but est l'insertion et l'intégration des handicapés et des non handicapés dans un centre de culture, vacances et loisirs, pour tous. Basée sur la commune de Fervaques, en Basse Normandie dans le Calvados, à dix kilomètres de Lisieux, l'association a pris possession d'un château classé monument historique. Construit par l'architecte François Gabriel, d'illustres hôtes ont occupés ce château : le manoir, du XIV et XVème siècle, vit le séjour d'Henri IV en 1590 et le château renaissance, fin XVIème, fut la propriété de Delphine de Custine, admiratrice de Chateaubriand qui s'y rendait et se targua d'avoir «dormi dans la chambre d'Henri IV». Un parc de 7 hectares entoure cette propriété dont deux arbres sont classés « Arbres remarquables de France» : le plus vieux platane d'orient de France dans la cour d'honneur et un hêtre pourpre dans la cours des communs.

Trois mois par an, le château est un centre de vacances, loisir et culture pour personnes handicapées et non handicapées. Le reste de l'année, des associations ou entreprises y séjournent à des fins de regroupement, d'assemblées, ou d'organisation d'événements. Portant cette double facette de centre adapté mais aussi de lieu patrimonial, l'ensemble du parc entourant le château pourrait faire l'objet d'un projet d'aménagement que chacun peut s'approprier, tout en développant des espaces supports de thérapies pour les personnes autistes mais également pour les autres types de handicaps, puisque l'association accueille également des personnes trisomiques et psychotiques lors de ses séjours organisés. Ce projet d'aménagement pourra s'articuler avec des projets de réhabilitation de certaines dépendances du château visant l'accueil de personnes à mobilité réduite.