Etudiante : Sophie Deloges
Directrice de mémoire : Catherine Farelle
La reconquête d’un territoire par le chemin de fer. Les mutations de la Haute Vallée de l’Arc.

Le vignoble, la chaleur, les cigales, les cyprès, la pierre, la garrigue et les tuiles romanes. . .
Nous sommes en Provence, à la rencontre d’un territoire qui s’étire d’Est en Ouest entre deux départements : celui des Bouches du Rhône, et celui du Var.
Plus précisément, le site se trouve dans la vallée de l'Arc. Cette dernière est formée par les coteaux de la célèbre Sainte Victoire, et par ceux de la Sainte Baume, du Mont Aurélien et du massif des Maures. C’est dans ce contexte topographique que s’est installée une ligne de chemin de fer longue de 79km, dans les années 1860. Elle servait aussi bien aux transports des voyageurs qu’à celui du fret. C’est à la veille de la seconde guerre mondiale que le trafic voyageur a cessé pour laisser place au fret. En effet la région était riche en minerais, notamment celui de la bauxite. Les principales mines se situaient aux alentours de Brignoles, dans le Var. C’est par la ligne que l’on acheminait, entre autre ce minerai vers le traitement industriel de Gardanne. Dans les années 1990 la ligne est abandonnée, suite à la fermeture des mines de bauxite. Actuellement, la ligne est parcourue par les trains de l’armée, une fois par an.

Aujourd’hui quelques sections ont été investies par des associations culturelles; des trains touristiques circulent (entre Brignoles et Carnoules) et un vélo rail est mis en place entre Pourcieux et St Maximin la Ste Baume. Entre Gardanne et Pourcieux, la ligne est aujourd’hui quasiment désaffectée. La nature a repris ses droits. Le spectacle offert par cette dernière est saisissant. Le temps semble s’être arrêté. Les nombreuses petites gares sont endormies, et certaines portions sont de véritables musées à ciel ouvert : carcasse de wagonnets et autre outillage pour les mines, silos rouillés, quai de gare, horloges déréglées… tout ceci sur fond de toile digne d’un Cézanne en grandeur nature. Le monde rural est silencieux, et l’on se perd dans la garrigue, au fil des rails. La ligne s’insinue dans le paysage, s’accroche au coteau escarpé, s’évade entre deux rangs de vignes, s’enfonce dans la garrigue, longeant le canal du midi, puis tire droit dans le fond de la vallée, avant de remonter au pied du Mont Aurélien par le viaduc de St Maximin la Ste Baume. Par la suite elle continue sa course à travers le tissu urbain de St Maximin. C’est le tronçon Gardanne-Trets qui m’intéresse le plus, étant donné qu’aujourd’hui aucune activité n’ y est repérée et que les reliques et les marques du passé y sont les plus présentes. De nombreux points m’intéressent; ils ponctuent le parcours de la ligne. Les gares perdues au cœur de la nature sont intrigantes, les franchissements de village m’interrogent, ainsi que l’aire de stockage du matériel de la mine. C’est un espace où l’emprise des lignes est élargie, où le matériel est comme abandonné à son triste sort, à tout jamais sous le joug des intempéries et du temps qui passe.
Cependant, les collectivités territoriales sont alertes. Aujourd’hui des projets de remise en service de la ligne sont en concertation. Il semblerait qu’à la fin de l’hiver 2012 nous soyons fixés sur le sort et le devenir de la ligne. Le projet de LGV fut abandonné dans la vallée de l’Arc. Mais la pression sociale est importante, et le projet retenu est celui d’une ligne de train ter qui irriguerait la vallée et permettrait aux habitants de se rendre sur leur lieu de travail dans le bassin méditerranéen, désenclavant les villes et les villages du Centre Var.

Aujourd’hui cette problématique est, pour moi de la plus haute importance. Le train. Le paysage. Le paysage en mouvement depuis le train. Mais aussi le train vu depuis le paysage. Le train, plus qu’un outil de transport, suscite des émotions, nous mène à des lieux stratégiques... De nos jours il me semble essentiel de repartir sur ces valeurs pour envisager le tracé de ces lignes à travers notre pays. Le territoire transporte des valeurs patrimoniales (paysagères, et historiques) et dans le cadre de la remise en circulation d’un train et tout ce que cela comporte, il est obligatoire de les conserver à l’esprit.
Les notions qui entrent alors en jeu sont techniques. Un train, des rails, c’est une emprise. Aujourd’hui la ligne ne comporte qu’une voie. Soit un sens unique de circulation. Elle s’insère dans le vignoble, ne comporte pas d’électrification. Elle ne présente aucun passage à niveau, et franchit villes et villages de façon très singulière. Cela suscite de fortes interrogations, c’est évident.

Actuellement, l’analyse et le diagnostic technique sur la ligne sont effectués par le bureau d’étude EGIS France. Il répond aux questions liées aux transformations physiques de la ligne. L’analyse paysagère, elle, peine à se mettre en place.

Comment un trait peut-il s’épaissir, comment prévenir la disparition du patrimoine minier sur ce linéaire, mais aussi à certains points stratégiques de la ligne. Comment envisager le devenir de ces villages provençaux, de ces gares sauvages, et des résidents qui aujourd’hui habitent le long des rails. Il est certain que les politiques auront le mot final. C’est dans une posture de paysagiste médiateur que j’envisage de me poser. Ces lieux, je les ai souvent côtoyés, ces monts je les ai foulés, ces paysages je les ai embrassés. Ce que connote le voyage en train, cela m’a toujours touchée; c’est pour cela que je voudrais me lancer dans ce dossier épineux.