Etudiant : Guillaume Besnier
Directrice de mémoire : Anne-Sophie Verriest-Fenneteaux
Réinventer un paysage sinistré

Les villes d’aujourd’hui se font les porte-paroles d’une “Nature en Ville”. Chose étrange que d’imaginer de la nature dans un milieu totalement anthropisé, domestiqué... Les villes de demain tendent vers un système urbain plus “vert” ou “écologique”, vers une nature en somme jardinée. Mais qu’en est-il de l’agriculture en ville ?

Cette Nature fait partie intégrante des “Grands chantiers de la décennie Bordelaise”. La Communauté Urbaine de Bordeaux lui a notamment dédié “55 000 hectares” au travers d’un important appel d’offre.
Si les décideurs ont bien cerné les enjeux d’une rente paysagère pour attirer plus d’habitants _50 000 logements projetés pour la métropole girondine_ les citadins qui vivent déjà sur ce territoire se préoccupent quant à eux de leur terroir. La recherche d’une consommation de proximité fait des émules, mais se cantonne au bouche à oreille, sans réellement toucher un large public. Alors comment allier des intentions globales aux désirs locaux pour un dessein écologiquement viable ?

A cinq kilomètres des futurs grands projets de la ville _ Bordeaux Lac, les Aubiers, Ravezies_ se trouve une enclave agricole. Comme un jardin ouvrier que l’on voudrait protéger des regards, la zone maraichère située au Nord-Ouest de Bordeaux ne se laisse pas approcher si facilement. Entre frôlements ou traversées franches, la demi mesure n’existe pas et déambuler à travers champs est difficile.
C’est une large vallée comme une feuille de papier légèrement inclinée. Rares sont les interstices qui permettent d’embrasser d’un seul regard son étendue (environ 500 ha). Le coteau de Blanquefort offre quelques percées visuelles vers Bordeaux, celui du Taillan-Médoc quant à lui se pare de nombreuses vignes.

S’il est compliqué de s’immiscer dans cet espace, les habitants gardent à l’esprit qu’il existe par ici un poumon maraicher, preuve de son implantation historique. Les rangs de carottes, de salades, de pommes de terre s’étendent en longues lignes sous les câbles électriques. Les serres de plastique blanc s’étirent et s’accordent à l’horizontalité toute puissante. Par intermittence, un avion descend du ciel pour rejoindre l’aéroport de Mérignac et rappelle ainsi que nous sommes encore en ville.

Ancien marécage aujourd’hui domestiqué et composé de multiples canaux, il reste une zone inondable dont seuls les maraichers ont accepté les aléas. La singularité de cet espace réside au travers de ses contours pour une grande partie urbanisés. Ici aucun lien vers la campagne, c’est un repli agricole qui se déroule sous mes yeux. Situé en bordure de quatre communes _Bruges, Blanquefort, Eysines, et le Taillan-Médoc_ ce morceau de la vallée des Jalles constitue une périphérie agricole pour chacune d’elles sans pour autant former une entité reconnue à part entière.

Depuis plusieurs années, la production est en déclin. La pression foncière pousse à la spéculation et de nombreuses parcelles à l’abandon apparaissent, ponctuées de maisons défraîchies ou de tracteurs aux peintures écaillées. Pourtant au sein de cet ensemble qui se dirige progressivement vers un immense délaissé, se trouve une pépite _le parc de Majolan_ aux lignes récemment rénovées et retravaillées. Un parc urbain attirant les habitants qui viennent en voiture ou parfois à vélo se distraire. Un peu plus loin, entre deux grands saules, se cache une ruine datant du 12ème siècle et située hors des sentiers touristiques...
Associé aux villes concernées, le Conseil Général élabore un document d’urbanisme afin de protéger cette zone agricole (PPEANP). Mais cela est-il réellement suffisant pour mettre en lumière cet espace aux enjeux plus larges ? Et si d’une lumière il faut l’éclairer, de quelle manière cela peut-il se faire ?
Comment sublimer la question de la propriété privée pour constituer un ensemble prospère et cohérent pour l’avenir  Comment préserver l’esprit hétéroclite de cette campagne et éviter de la transformer en parc uniquement urbain ? Comment associer une large production agricole à un domaine attractif pour les habitants ? Quelle accessibilité, quels déplacements ? Que faire des limites qui s’urbanisent et comment traiter cette lisière ? Comment habiter la vallée, y travailler et s’adapter au risque d’inondation ? Quelles accroches mettre en place pour tisser des liens entre cette vallée et les communes auxquelles elle appartient ?

Sur le papier, le parc est en marche... mais la réalité reste encore divisée. En somme la question est de faire rencontrer des mondes aux perceptions étrangères pour créer une campagne urbaine partagée.