Etudiante : Sibylle Papillon
Directeur de mémoire : Michel Boulcourt
Comment évoluera le paysage entre l’Orne et le canal de Caen à la mer ? Friches armées et industries au cœur des projets urbains.

Pour rejoindre Caen, capitale bas-normande, quand on vient de la mer, on peut suivre différentes routes : la voie  rapide satisfait les plus pressés et les petites routes de villages ceux qui veulent se promener. Pourtant, un autre chemin existe, suivant les deux cours d’eau reliant Caen et la mer. Le fleuve Orne et le canal fonctionnent ainsi en parallèle jusqu’à la ville.
On part d’un estuaire reconnu pour ses richesses écologiques, pour se fondre dans les petits bourgs, les terres agricoles et les prairies marécageuses. Mais au bout de quelques kilomètres seulement, la vie urbaine se profile, et s’accapare même l’entre-deux cours d’eau, le remplissant de masses imperméables destinées à l’industrie. Le canal s’anime par la présence des zones portuaires encore actives et fait défiler les cargos. D’autres entreprises cependant ont périclité, sans reprise, abandonnées à la nature environnante.

La presqu’île de Caen est le dernier territoire entre fleuve et canal rejoignant le port de plaisance de la ville, directement lié au centre. C’est le nouveau « site à enjeux » des environs, et surement le dernier quartier de Caen en formation. De prestigieuses équipes pluridisciplinaires planchent sur son avenir, au potentiel économique, social et paysager indéniable. La nouvelle salle de concert et l’école des Arts et médias ont déjà entamé la renaissance du site, pendant que le tribunal et la médiathèque attendent leur tour. Mais tout autour, entre le marché de gros et les innombrables hangars à l’abandon, la vie activiste et artiste de Caen vient spontanément se manifester. On la rencontre entre les vieux murs, de la même façon que les buddléias et les sedums, seule population vivante trouvant satisfaction dans cet immense territoire désaffecté. Certains propriétaires ont déjà renoncé, laissant le temps décider pour eux de l’avenir de leurs biens, alors que d’autres se sont pris au jeu, et encouragent ces nouvelles formes d’activité. Encore bancale et incertaine, la presqu’île est sur la bonne voie pour se ressaisir.

Cependant, cet espace ne concerne pas uniquement la commune de Caen. Directement en relation, d’autres communes doivent gérer des terrains similaires, balancés entre nature et industrie. En effet, aux pieds du viaduc portant le périphérique de Caen, Hérouville Saint-Clair se questionne sur l’avenir de sa portion de presqu’île. Le bassin de Hérouville se présente comme une poche presque entièrement non construite, offrant un mystérieux mélange de structures métalliques et de végétation sauvage en profusion. C’est un espace qu’on regarde à peine, notre regard se focalisant toujours sur la silhouette de la ville, les grues et les immeubles en arrière plan.

Sur les rebords de cette étroite vallée, traversée dans toute sa largeur par le viaduc, se perchent deux « personnages » urbains. D’un côté : l’ancienne SMN (Société Métallurgique de Normandie), souvenir indestructible à l’origine des principales zones industrielles et les cités ouvrières des alentours. De l’autre : Hérouville Saint-Clair, cité banlieue aux frontières de Caen, laboratoire urbain remarquable par ses innovations urbanistiques et architecturales.

Quel lien ce site entretient-il avec ces deux entités fortes ? Comment va-t-il évoluer vis à vis de la métamorphose de la presqu’île ? Et doit-il jouer un rôle sur le chemin de Caen à la mer ? De plus, la forte demande en habitat peut-elle être satisfaite auprès de cet imposant bâti industriel ? Et enfin, quelle place trouvera l’Orne et ses écosystèmes au milieu de cette agitation ? La végétation de friche et les industries cohabitent depuis de nombreuses années, successivement en conflit et en association, se camouflant ou se détruisant l’un et l’autre. La ville de Hérouville Saint-Clair va devoir une nouvelle fois faire preuve d’innovation pour comprendre et orienter ce territoire hésitant.