Etudiante : Marion Godiard
Directrice de mémoire : Jacqueline Osty
Le camp militaire de Margival. Reconnaître les fantômes.

Le camp de Margival porte plusieurs noms : le CEC 129, le Ravin du Loup 2, le Führerhau­tquartier ou l’ancien QG d’Adolphe Hitler. Cette base a été construite dès l’été 1941, elle devien­dra plus tard un des lieux les plus verrouillés de l’Europe nazie.

La zone centrale, intérieure, est nommée le W2. Cet espace fermé et absolument inac­cessible est enfoncé dans le territoire, au creux d’une vallée et à la conjoncture précise de trois communes : Neuville-sur-Margival, Laffaux et Margival.

Pourquoi cet endroit fut propice à la construction d’un tel ouvrage ?
A l’époque, les Britanniques et surtout leur avia­tion refusaient aux allemands la maîtrise de l’air.
Hitler ne pouvant pas circuler par voie aérienne utilisait donc le train. La proximité du tun­nel Margival-Vauxaillon, par lequel passe encore aujourd’hui le train, aurait décidé les Allemands. Long de 647m, il pouvait tout à fait cacher leurs convois.
Le W2 est ceinturé de deux périmètres de protection qui s’étendent jusqu’aux alentours des villages. Une étude recense environ 750 vestiges fortifiés sur l’ensemble : édifices logistiques, car­rières, postes d’observation, centrale électrique etc... parmi ces constructions : 475 bunkers. A l’époque, 22 000 hommes avaient été réqui­sitionnés pour bâtir ce complexe monstre. Ils y auront coulé 25 000 tonnes de béton en 18 mois.
Après la libération, les lieux furent récu­pérés par les Américains puis par l’OTAN. Des travaux considérables de rénovation y avaient été menés et les soldats y été entrainés aux opéra­tions commandos.
Le site fut désaffecté en 1993. Aban­donné et pourtant toujours tellement indestructible, il en reste tous ses fantomatiques bunkers, qui se laissent absorber par la forêt. En plus des édifices d’entrainement, le centre de tir, un faux village construit comme un décor de cinéma où les soldats s’exerçaient aux missions comman­dos, etc. D’autre part les installations, comme le réseau d’alimentation en eau, pensé de manière autonome par rapport à la vallée, aux impluviums et avec un système de bassins de stockage est toujours en état.
Le site a été revendu en 2005 aux trois communes qui ont chacune racheté leur parcelle à l’Etat. Faute de moyens depuis l’abandon du camp, aucun projet de réhabilitation n’a été lancé. Il y a bien eu des acheteurs potentiels, comme Mc Do qui prévoyait d’investir pour l’exploitation du bois de la forêt qui recouvre nos reliques en béton armé, mais ils se sont heurtés au droit de véto détenu par l’armée.
La problématique générale qui se pose concerne de toute évidence l’avenir du site. Com­ment le faire revivre ? Quels nouveaux usages lui attribuer ?
En parcourant cet endroit je me suis imaginée traversé un village hors normes... Le réaménagement
de cet endroit en secteur habité me semble tout a fait envisageable. En fait, ne parlons pas de «secteur» ni même de «quartier» mais vraiment de village... Si j’an­nonce le thème de ma problématique ainsi, c’est que le camp en lui-même et dans les formes du paysage se détache, concrètement, des communes de Laffaux, Neuville et Margival.
De manière plus précise je me pose donc cette question : Quelle pourrait être l’organisation de cet ancien village militaire à l’heure où il pourrait appartenir à la population rurale soissonnaise ?
Il s’agit d’abord de remettre en question les limites du site, de les remanier en fonction des nouveaux enjeux, ceux qui ne sont plus liés à des mesures militaires mais à la vie rurale dans le soissonnais. Redessiner des limites aussi en accord avec les courbes du paysage «nu».
Dans un soucis économique, mais avant tout éco­logique, l’étude sera vraiment axée sur ce que je pourrais appeler «le recyclage» de la caserne. Comment se servir des systèmes déjà installés (eau, électricité...) ? Qu’en sera-t-il de la gestion de la forêt vigoureuse ? Pou­vons nous enrichir le patrimoine naturel en ouvrant des espaces ? En cultivant des espaces ? Qui les entretiendra ? Espaces collectifs ? Privés ? Semi collectifs ?
Enfin, un travail sur la perception et le devoir de mémoire sera incontournable. Il est clair que la reconnaissance de ce patrimoine historique devra se perpétuer en ces lieux qu’un projet d’aménagement pousse à reconvertir.