Etudiante : Sybille de Cussy
Directeur de mémoire : Jean Grelier
Calais Ouest : Redécouverte d'un territoire en marge.

Au détour de la ville, alors qu’en suivant ses axes, on se retrouve soudain face à une rupture, confronté à une toute nouvelle échelle d’appréciation de l’espace, perdu dans des lieux qui n’ont ni forme définie, ni inscription dans leur contexte, ni vocation apparente. Ils ne font pas partie de la ville, n’en sont pas étrangers non plus.

Dans le quartier Ouest de Calais, l’espace semble se dilater et l’unité de mesure de la ville ne semble plus être l’humain. Isolé par le port de plaisance au Nord, la citadelle à l’Ouest, les voies ferrées au Sud et les cités et zones pavillonnaires à l’Est; le quartier, pourtant entouré de repères identitaires forts de la ville, est en marge, abandonné.

La ville de Calais s’est développée autour de l’eau: de la mer, de son port, de ses canaux, qui structurent la trame urbaine. En effet, la ville n’a pu se développer que par l’assèchement des marais qui entouraient la cité initiale avec la création des canaux.
D’autre part, Calais est une ville d’histoire et l’importance de sa situation stratégique entre la France et l’Angleterre marque encore son quotidien. Autrefois place forte de la lutte entre les deux pays, dont témoignent les nombreuses fortifications visibles dans la ville; Calais est aujourd’hui rythmée par le va et vient des ferry en partance pour l’Angleterre.
Calais vit au rythme de la discontinuité, sa relation à l’eau a changé. L’eau sépare, elle donne le sentiment de compartimenter plus que de structurer et de donner un sens à la ville actuelle. Calais tourne le dos à son port et à ses canaux, autant qu’elle tourne le dos à sa citadelle. Autrefois édifiée pour protéger la cité, la citadelle semble aujourd’hui se protéger de la ville, s’en détacher, se retournant sur elle même pour y vivre en autarcie.

Le développement de la ville s’est fait vers le Sud, absorbant peu à peu les villages alentours pour former une continuité urbaine, agrandissant les limites de la ville. L’Ouest de la ville ne s’est néanmoins urbanisé qu’après la seconde guerre mondiale, pour remplacer les terres agricoles et maraichères, à l’écart du noyau de la ville, par des barres d’immeubles dans ce qui deviendra la cité du Fort Nieulay, ainsi que plus récemment par les extensions pavillonnaires de la commune de Blériot-Plage. Il ne reste aujourd’hui que quelques terres agricoles et des jardins ouvriers pour seuls témoins du passé de ces terres.
Outre un manque de liaison Est/Ouest, les relations Nord/Sud sont rares entre le front de mer et la ville moderne qui sont divisés par les voies ferrées, par le port de plaisance et le bassin des chasses (bassin de récolte des eaux de l’arrière pays, qui attendent de se déverser dans la Manche lors des marées hautes).
Entre le centre-ville, la cité et les pavillons; le quartier Ouest n’appartient ni à l’un ni à l’autre, dans un entre-deux indéfini; fait de friches, parkings, décharges, cimetières, toutes sortes d’indésirables sillonnés par des infrastructures diverses, brouillant toute lisibilité et cohérence spatiale.

Il n’y a donc plus de dialogue entre les entités de la ville.
Calais s’étend, sort de son enveloppe pour devenir tentaculaire alors qu’elle possède en son sein des espaces mis à l’écart, oubliés; lieux qui pourraient pourtant permettre de retrouver une logique urbaine, entre eau, patrimoine et urbanité.

Ainsi, sur plus de quarante hectares s’étendent différents sites, morcelés, enclavés, juxtaposés les uns aux autres: un ancien hôpital (relocalisé à l’Est de la ville), une ancienne décharge d’ordures ménagères (qui est maintenant un parking accueillant les caravanes et camions des forains), une friche qui faisait office de stockage de cuves de pétroles, une entreprise de stockage de voiture (qui sera relocalisée dans le projet de port 2015) dont une partie est en zone inondable et enfin, un immense parking et une friche longeant le port de plaisance.

Le site évoque le vide, le morcellement, le hors lieu_ hors du temps, de l’espace.
Un endroit qui semble ne se rattacher à rien, mais qui, bien que souffrant de beaucoup de problèmes, le site révèle un potentiel de diversité, de richesse et de poésie. Avec d’une part une identité historique liée à la citadelle et au fort Nieulay; d’autre part, une identité naturelle liée à l’eau, au port, aux canaux et au bassin des chasses ainsi qu’aux jardins ouvriers et aux dernières parcelles agricoles. Le quartier représente donc une perspective de développement et de reconquête identitaire à l’échelle de la ville.

Il est donc bien question de l’identité du site, de la ville, de retrouver un sens à ces espaces qui avaient perdu tout lien avec la forme de la ville, sa logique, ses paysages.
Une identité qui, depuis toujours est régie par l’eau, sa présence, sa gestion. Cette logique liant la ville à l’eau a disparu.
Ne pourrait-on pas alors, retrouver une identité par l’eau ?
Comment fédérer la ville autour de ce quartier qui possède une position stratégique, avec une identité masquée, brimée mais bien réelle ?