Etudiante : Valérie Tassëel
Directeur de mémoire : Marc Claramunt
Dunkerque : entre ville et industrie, une interface à reconstruire.

Depuis 1950, la population de la planète a doublé, dépassant aujourd’hui 6 milliards d’habitants. Dans les pays riches, le niveau de vie a augmenté, entraînant une croissance accélérée de la consommation. Il faut produire et cultiver toujours plus, puiser dans les ressources naturelles pour répondre à la demande hyper consommatrice. Cela a induit naturellement des spécialisations par pays, une surexploitation des ressources naturelles des continents et une interdépendance économique mondiale.
Dans cet esprit  un déséquilibre s'établit à diverses échelles, d’autant plus inquiétant que le phénomène est mondial.
Or la survie de l'espèce humaine repose sur son environnement et les êtres vivants qui l'entourent. La situation interroge alors sur l'accord à établir entre le caractère d'une espèce à vouloir dominer son environnement et l'intelligence à déployer pour se maintenir en vie.

L'un des maillons indispensable dans notre chaîne économique est l'industrie portuaire.
A Dunkerque, le paysage industriel devient une entité à part entière au 19ème siècle avec l’ingénieur Charles Freycinet qui la crée. La spécialisation spatiale qui lui est attribuée en fait un espace entièrement artificiel concentré en un point géographique choisi: le littoral.
Ce paysage devient la résultante d’une domination économique sur un territoire donné.
Industries, raffineries, pôles pétrochimiques et pharmaceutiques forment un polder de 8km de long sur 4 km de large mis en scène par la mer du Nord qui lui fait face. C'est au sein de ces 13 établissements classés Seveso que des navires de charge du monde entier accostent pour échanger, transformer et manipuler des matières premières dangereuses à une dizaine de kilomètres de la centrale nucléaire la plus considérable d'Europe occidentale.
Des canalisations assurent le transport des ressources en eau douce, indispensable au fonctionnement des industries. La ville de 70 000 habitants jouxte le complexe industriel en y étant enclavée par l'ensemble du réseau de communication mis en place pour la circulation des marchandises vers la France et l’Europe. La ville fut reconstruite entièrement après la guerre, avec la perspective de développer le port vers l'ouest, restreignant de plus en plus le littoral.
L'ensemble de la ville semble régi par et pour ce pôle industriel.

Ce paysage saisit par sa fonction même. La brutalité, la démesure et l’architecture rendent ce lieu digne et beau. Le sentiment d'effroi évolue rapidement vers l'admiration devant l'organisation complexe des tuyaux, des hautes cheminées noires, des grues, des tankers, citernes, minerais, qui s'habillent du rouge au noir et s'embrument de fumées plus ou moins blanches et odorantes. Mais ce paysage, aussi beau qu’il paraît, pollue et abime.
Si la ville vit de ses industries, elle refuse aussi de voir ce qui la fait vivre. Ignorer la présence des industries, ses impacts, sa puissance pour continuer de vivre avec elle, voilà ce qu’il en est pour les quartiers ouvriers de Saint Pol sur mer, Fort Mardyck, qui leur font face.
Comment envisager une réconciliation entre ces paysages industriels et les habitants qui y vivent ? Comment apprivoiser le spectacle formidable de l'industrie portuaire, ses risques, ses dangers ?

Des espaces vierges d'usage séparent les quartiers Saint-Pol sur Mer, Fort Mardyck et Grande Synthe du complexe industriel en cas de risque  d'origine toxique, mécanique ou thermique. 
Des "Zones de Protection Rapprochée" (ou ZPR), désignent les espaces contraints aux risques mortels. Les " zones de protection éloignée " (ou ZPE), rendent compte des espaces aux risques impliquant des "blessures irrémédiables". Ces  lois induisent par conséquent un développement urbain à respecter.
Ces "non lieux" sont interdits au public, délaissés volontairement pour qu'on oublie leur présence. Inaccessibles, pollués, ils constituent cependant des interfaces aux ambiances paysagères de grands intérêts.

Comment ces espaces naturels peuvent-ils jouer leur rôle dans cet étrange rapport de domination de l'industrie sur la ville?
Quelle interaction doit se former entre ces deux entités?
En quoi la place et le rôle de ces interfaces industrie/ville peuvent sublimer et raccorder ces deux lieux qui ne communiquent pas?

Comment concevoir l'avenir d'un pôle industriel à la fois indispensable et destructeur pour son environnement et sa population? Comment faire évoluer ce système économique en un système aussi durable que vivable?