Etudiante : Camille Taque
Directeur de mémoire : Jean Mahaud
La presqu’île de Quiberon : au croisement des usages et d’un littoral en mouvement.

Quiberon, dans le Morbihan, est une terre en mer finement liée au continent. Successivement île et presqu’île dans le passé, longue de 10 km et large de 2,5 km, elle est orientée en travers de la puissance de l’océan, au bout d’une longue langue de sable appelée tombolo, qui relie Plouharnel à Saint-Pierre-de-Quiberon.

Ce caractère quasi insulaire, la côte sauvage, la baie abritée, les nombreuses plages et la renommée de la station balnéaire attirent des milliers de touristes depuis que le littoral est devenu une destination prisée. Sa population de 7800 habitants est multipliée par dix en période estivale et la presqu’île doit absorber jusqu’à 23 000 véhicules par jour, chose quasi impossible, qui pénalise notamment le tourisme. Point de départ pour Belle-Ile-en-Mer (quatre fois plus grande), Houat et Hoëdic ; destination touristique ; lieu d’habitat ; lieu de travail ; elle concentre tous les usages sur un minimum de surface et de temps.

Les touristes et les Quiberonnais y accèdent ou s’en échappent par un tombolo de six kilomètres constitué de dunes grises balayées par les vents, dont une majeure partie est inscrite au Grand Site Dunaire Gâvres-Quiberon. Tous les transports se concentrent dans une bande rectiligne dont le point le plus étroit, et de loin le plus fragile, est l’isthme, large de seulement vingt-cinq mètres. De part et d’autre, la mer et le ciel rendent ce lien plus ténu que jamais, si exceptionnel, ce qui n’empêche pas les parkings de se développer autour. Cette continuité du continent à la terre, par ailleurs consolidée artificiellement en 1964 après la rupture de l’isthme pendant une tempête, a influé sur la vie de la presqu’île qui, en une trentaine d’années, a délaissé la pêche et l’agriculture pour se consacrer et dépendre entièrement du tourisme. La presqu’île, en dehors de la propriété du Conservatoire du Littoral et des parcelles en friche, est très urbanisée aujourd’hui. Le tombolo, lui-même, a vu naître avec les villas des années 60 un village de lotissements plus ou moins protégé du vent, qui accentue l’impression de continuité entre le continent et l’île.

Cependant le tombolo reste une langue de sable en milieu marin, soumise aux vents, aux tempêtes plus fréquentes ces dernières années, aux courants marins, à la vie du littoral en général. Il présente des points de fragilité et est sensible à toute évolution ou changement de ces conditions. Les conséquences d’une montée du niveau de la mer, ne serait-ce que de quelques centimètres, et celles d’un éventuel projet d’extraction de sable marin – prévu quelques miles à l’ouest sur une durée de cinquante ans – pourraient être considérables. Les boisements de pins maritimes et de cyprès de Leyland, plantés au début du siècle, arriveront en fin de vie et ne fixeront plus le sable des dunes grises. Il s’agit d’une évolution inéluctable dont nous devons tenir compte pour garantir ce lien essentiel entre Quiberon et le continent.

Il faut s’interroger sur notre rapport à ces paysages traversés, visités, consommés. Comment gérer correctement les flux et créer l’impression d’arriver, non plus au bout d’un cul-de-sac, mais sur une île en tant que terre ferme, véritable territoire à part riche en milieux fragiles ? Les pratiques de déplacement sur cet espace doivent s’adapter. Des solutions alternatives existent, certaines ont été testées et fonctionnent : un parking avant la ville de Quiberon et une navette spéciale sont dédiés aux personnes (5000 par jour) s’embarquant sur les ferries pour délester le centre-ville. Des pistes cyclables voient le jour ; un train estival achemine sur une voie les touristes d’Auray à Quiberon. Ce n’est pas suffisant.

En m’intéressant à l’ensemble de la presqu’île, je vais étudier la possible transformation de la ligne de chemin de fer depuis Auray jusqu’à Quiberon en une ligne du type TER permanent. De même il nous faudra envisager l’interaction de la route avec le tombolo et les villages. Au-delà des nombreux problèmes qui doivent être réglés par ces moyens de communication, comment amener ceux-ci à renforcer la nature des espaces qu’ils traversent ; à en révéler d’autres ? Peuvent-ils rappeler l’appartenance du village de Penthièvre au tombolo ? Des solutions techniques devront être apportées afin de tenir compte et accompagner les évolutions futures de la zone littorale, fragile par essence.

Cesser la continuité, avoir conscience du sable ou de la terre par-dessous, de la fragilité et de la beauté du lien. Comment les voies de communication peuvent-elles, pour tous, engendrer une nouvelle manière de voir et de vivre le tombolo et sa presqu’île ? D’apprécier la valeur du trajet autant que celle de la destination avec cette illusion d’embarquer pour l’île de Quiberon ?