Etudiante : Cécile Charpentier
Directeur de mémoire : Jean Grelier
Quel équilibre entre “Sauvage” et “artificiel” pour les bords de Spree ?

“Berlin respire de partout”, telle était la volonté de Lenné, dès le XIXème siècle, en réservant dans la ville des espaces confiés au végétal : généreux Volksparks, larges boulevards plantés... Depuis, d'autres respirations se sont ajoutées au tissu urbain : Berlin est pleine de vides, de tâches blanches indéfinies sur les cartes, d'espaces intersticiels, de friches, de jachères urbaines... Ces espaces libres sont autant d'espaces de “disponibilité” au coeur de la ville. A Berlin plus qu'ailleurs, ces zones sont souvent des lieux féconds d'investissement de la population. La notion de “Zwischennutzung” (utilisations intermédiaires) souligne cette idée de l'entre-deux : entre-deux périodes, entre-deux espaces, entre-deux usages. Ces projets sont fréquents dans Berlin : la municipalité prête des terrains vides à des citoyens pour une certaine durée, avant qu'ils ne soient reconstruits. La ville, en tant que propriétaire, vérifie que ce projet s'inscrit dans l'environnement immédiat du quartier. Conçus pour une période de transition, ces projets sont par essence fragiles et amenés à évoluer ou disparaître.

Au croisement des quartiers de Kreuzberg et de Friedrichshain, la Spree et les abords semblent vous cracher son histoire à la figure : des bâtiments industriels en briques, désossés et un port désaffecté nous rappellent que Berlin s'est construite sur l'eau et s'est affirmée comme ville industrielle à la fin du 19ème siècle. L'East-side gallery, derrière ses couleurs vives, nous rappelle que le mur s'est dressé là pour former une frontière absurde entre deux idéologies pendant 40 ans. A cette époque, la Spree sert de frontière, les Berlinois ne se la représentent plus. Après la chute du Mur, c'est le désarroi face au no man's land de nouveau accessible. La construction attendra.
Les “utilisations intermédiaires”, Strandbars, plages, friches, espaces de détente, activités culturelles, investissent les rives de la paresseuse Spree. Depuis 20 ans, la végétation spontanée s'est aussi développée dans les interstices qu'offre la porosité urbaine. La diversité biologique et culturelle a forgé une identité propre au lieu. Les Berlinois y ont un contact privilégié avec la Spree.
Est désormais venu le temps de (re)construire. Une opération d'urbanisme est en phase de sortir du sable. Entre Jannowitzbrücke et Elsenbrücke, 23 investisseurs regroupés sous le nom de “mediaspree” veulent conquérir les rives “abandonnées” sur près de 4 kilomètres, 180 ha, pour faire naître le "quartier des médias, de la mode, de la musique et des services". Menu appétissant pour Berlin, la sur-endettée “qui souffre d'une difficulté à se constituer l'image d'une vraie capitale”, et qui, par ailleurs, totalise 15% de chômeurs.
Cependant, cette opération est vivement critiquée par une association d'habitants. Elle doute de la qualité des emplois créés et craint que la spéculation foncière fasse fuir les populations les plus modestes de ce quartier populaire. Elle craint en outre, la privatisation des rives de la Spree et souhaitent une alternative.
Au delà de la privatisation, c'est aussi l'artificialisation des bords de Spree qui sont à craindre. En effet, la Spree et ses abords ont un rôle écologique à jouer. De plus, le projet de rendre la Spree baignable (prévu pour 2011) ne peut se faire sans un traitement écologique des berges de celle-ci.

Une stérilisation et une banalisation des berges de la Spree ne sont profitables ni à l'image des investisseurs, ni aux habitants du quartier et aux usagers actuels et futurs. Ici, le caractère “sauvage” et les usages improvisés ont forgé l'identité du site. Comment révéler l'aspect spontané du site (flore spontanée / usages spontanés) ? Quelle force donner au temporaire ? Comment redonner un lien fort avec la rivière ? Dans le cadre de mon diplôme, je souhaite proposer un traitement des berges de la rive sud ouest de la Spree, côté Kreuzberg, en cherchant un équilibre entre surfaces bâties et respirations, entre “sur-aménagement” et “désaménagement”.