Etudiant : Nicolas Vanpoucke
Directeur de mémoire : Jean Mahaud
REHABILITATION DU SITE RHODIA : MEMOIRE ET TERRITOIRE
Le Nord est une des premières régions de France à avoir su tirer profit de la révolution industrielle. Aujourd’hui cependant, après les mines, ce sont les usines qui ferment leurs portes. Le territoire anciennement occupé se transforme et de nombreuses friches se développent. Le paysage évolue, mais l’abandon de ces terres est mal vécu par la population qui voit dans ces terrains vagues le démembrement de leur région.
C’est dans un contexte d’industrialisation en pleine expansion qu’un industriel (Kuhlman) va créer au nord de Lille, sur les rives du canal de la Deûle, l’une des premières productions de produits chimiques de France.
Cette implantation va avoir un contrecoup urbain important car d’autres usines vont choisir de s’approprier la Deûle. Avec une volonté paternaliste, Kulhman ne construira pas seulement son usine mais aussi tout le quartier des ouvriers : habitations, stade, crèches, des jardins ouvriers, … va enrichir les alentours. L’essor de la ville va rayonner tout autour de la fabrique et s’étendre sur trois communes : La Madeleine, Marquette-lez-Lille et St André. (Communauté urbaine de Lille)
L’industrie chimique évoluant, le site va s’agrandir jusqu'à couvrir 40ha. Tuyaux, cheminées briques, métal, fumées vont transformer le paysage de la plaine. Telle une vraie fourmilière, l’usine va générer plus de 1600 emplois, marquant socialement et économiquement les trois villes concernées.
La production chimique de Kulhman a fait la ville qui l’entoure.
Aujourd’hui, après un arrêt préfectoral de 2000, l’usine Kuhlman (rachetée par Rhodia-Chimie) doit fermer ses portes en décembre 2005. Celle qui avait créé la vie autour d’elle risque de provoquer la mort. Classée SEVESO haut, la production est devenue trop dangereuse et met en péril les villes alentours.
Il faut donc réfléchir au devenir de ce territoire qui a généré tant d’activités. Ce site ne doit pas devenir une simple friche industrielle qui comme tant d’autres perd son histoire. Cette usine a créé l’urbain et maintenant c’est l’urbain qui ne peut plus accepter en son sein ce qui l’a créé. Il est indéniable que l’implantation du site Rhodia a été le pivot d’un développement des trois villes alentours. Ce site industriel qu’on démantèle est une part d’histoire et de ville enlevée aux trois communes.
L’image négative que l’usine renvoie aux habitants doit-elle supplanter un passé industriel indéniable ? « La mémoire » est au cœur de la problématique. Les traces, le palimpseste historique est riche : les moulins de Paris, bâtiments historiques se dressent à la limite du site, des fouilles exhument les restes d’une abbaye cistercienne dans le périmètre des ateliers, l’architecture en brique de la fabrique date du début du siècle, … Pourtant on ne retient de « Rhodia » que son aspect pollueur et SEVESO.
L’usine a eu un effet centrifuge dans l’urbanisation des villes alentours. Aujourd’hui, alors que ce ne sont plus les salariés qui habitent aux abords du site, l’usine dérange. On a oublié qu’elle a fait vivre des milliers de foyers. Doit-on alors faire table rase de ce passé par souci de dépollution et « d’esthétisme » ou bien doit-on sublimer l’architecture, mettre en valeur l’origine industrielle ?
La ville peut-elle oublier son passé ? Doit-elle le cacher ou le montrer ?

Quelle sera donc la place laissée à la mémoire dans la reconquête du territoire par la ville ?
Les besoins urbanistiques doivent-ils avoir la priorité sur l’évolution de ces 40 ha ? L’agglomération de Lille est en plein essor. La nécessité d’une « quatre voies » et d’une station d’épuration vise directement le site.
Les besoins de chaque commune et, à plus large échelle de la communauté urbaine, seront aussi des arguments importants guidés par les problèmes de pollution.