Etudiant : Jérôme Jalbert
Directrice de mémoire : Dominique Caire
FRANGE URBAINE ET PATRIMOINE INDUSTRIEL SUCRIER A LA REUNION
La Réunion, région ultrapériphérique de l’Océan Indien, est confrontée à la dure réalité de son insularité et doit composer avec un territoire réduit et non extensible. Le relief chaotique n’en a pas facilité l’appropriation et les difficultés de circulation de l’époque ont multiplié les noyaux d’urbanisation sur le littoral. Avec la départementalisation de 1946, son développement s’est considérablement accéléré.
Le développement de l’île doit beaucoup à l’essor de la canne à sucre qui a installé les fondements de l’économie locale. En trente ans, cette nouvelle culture va devenir prédominante et va fortement modifier l’occupation des sols et l’urbanisme. Les villes se sont développées majoritairement autour des centres d’activité agricole, donc des usines sucrières.
Alimentée par une démographie importante, la société réunionnaise à dominante rurale s’est fortement urbanisée, créant une forte pression sur les terres agricoles. Aujourd’hui, les trois quarts de la population vit dans les agglomérations urbaines.
Les communes de Saint Pierre et du Tampon s’étagent sur la planèze qui s’élève depuis la mer jusqu’à la Plaine des Cafres. De part et d’autre, la rivière Saint Etienne à l’Ouest et la rivière des Remparts à l’Est ont façonné de profondes entailles qui s’estompent à la mer. Sur ces pentes douces et régulières qui s’élèvent du battant des lames au sommet des montagnes se côtoient l’Urbain et le Rural dans une dilution sournoise.
Dans les basses plaines de l’Ouest de Saint Pierre, le climat est bien plus sec que dans les hauts. Au début du XIXe siècle, l’eau est une énergie primordiale tant pour irriguer les champs que pour faire fonctionner les moulins qui pressent la canne. Dès 1825, la construction du canal Saint Etienne va permettre aux champs de canne à sucre de s’étendre au paysage des savanes littorales. De la rivière Saint Etienne, l’eau est conduite le long de la courbe altimétrique 100 jusqu’à Saint Pierre, et même au-delà, induisant l’apparition d’usines sucrières sur son tracé. Des petits Domaines s’organisent alors en « Habitations » et ponctuent le paysage de leurs cheminées de pierres noires. Ces espaces produisaient leurs vivres, logeaient leurs gens et fabriquaient leur sucre dans la moiteur et la luxuriance tropicales. Ce sont en quelques sortes les embryons des quartiers que l’on trouve actuellement au Nord, au-delà des limites de Saint Pierre.
Entre les différents noyaux d’urbanisation, des poches agricoles se forment et la ville avance inexorablement.
Avec l’urbanisation programmée de la zone de Pierrefonds, les terres agricoles correspondant aux anciens Domaines de Pierrefonds et de la Vallée seront bientôt cernées d’une frange urbaine continue. Le canal Saint Etienne à sec s’efface et n’offre aujourd’hui qu’un maigre obstacle à l’avancée de ce front d’urbanisation constitué des satellites résidentiels de Saint Pierre. Son tracé s’estompe dans l’oubli du passé. Bordé à l’Ouest par la rivière Saint Etienne, le petit quartier d’habitations de Pierrefonds qui s’est greffé à l’ancienne usine sucrière s’organise autour d’un espace désolé, au centre d’un territoire agricole en sursis. Avec le petit aéroport qu’accueille Pierrefonds dans sa partie littorale et son développement programmé, de nouvelles perspectives se profilent pour la zone.
La ville grandit sans que l’on puisse voir le temps à l’œuvre, opposant un peu plus le monde rural et le monde urbain, la Réunion d’hier et celle d’aujourd’hui. Peut-on contenir son avancée ? Sur quelles limites ? Et pour combien de temps ?
Le patrimoine laissé par l’industrie sucrière peut-il accompagner la transformation de la ville ? Comment l’utiliser comme outil pour structurer le paysage et articuler le Rural et l’Urbain ?